vendredi 11 mars 2022

 

ODESSA

   Nina travaillait à Odessa dans la compagnie d’Intourist, elle n’aimait pas les Français, ils étaient trop indisciplinés disait-elle. Elle avait appris l’allemand et l’anglais et avait des touristes venant des pays anglophones ou allemands. Nous étions devenues amies et elle décida de me faire connaître les différentes couches sociales de la société d’Odessa.

Cela se passait en 1980,  cette ville ressemblait un peu à Marseille, elle n’obéissait pas aux ordres, ils détournaient les autres bateaux pour remplir leur plan quinquennal.

Les gens étaient plus libres, moins surveillés, j’ai connu un homme travaillant dans les bombes atomiques, il m’a même fait visiter la ville en voiture, ailleurs en URSS cela aurait été impensable !

Nina commença par m ‘emmener chez une connaissance vivant dans un foyer communal pauvre. Elle avait une chambre ordinaire, la cuisine et les toilettes étaient communes à plusieurs personnes et il fallait choisir son heure pour cuisiner. Nous avons juste pris un thé chez elle, elle se plaignait de tout et Nina décida qu’il était temps de partir.

Nina habitait avec ses parents, comme beaucoup de jeunes de 27 ans même mariés qui n’avaient pas de logement dans les grandes villes, elle était pourtant encore célibataire, elle venait d’avoir un chagrin d’amour, je n’en savais pas plus.

Lorsque je venais chez elle, nous allions directement dans sa chambre et ses parents n’avaient pas le droit de la déranger, il m’est arrivé de les voir et leur dire « Bonjour » mais elle m’entraînait vivement et je n’ai jamais vraiment parlé avec eux. J’ai remarqué cette pratique dans toutes les grandes villes où les jeunes vivaient avec les parents.

La seconde étape fut chez un locataire vivant aussi dans un foyer communautaire, c’était au centre ville, très bel appartement, il avait deux pièces, faisait chauffer son repas dans la cuisine commune, celle-ci était d’une qualité supérieure à l’autre. L’homme était professeur dans un lycée, il n’aimait pas travailler et lisait beaucoup, il empruntait à la bibliothèque à durée indéterminée ; c’est ainsi que j’héritai de plusieurs livres de poètes de l’époque. Ils avaient le tampon de la bibliothèque. Nous avions dîné chez lui avec beaucoup d’amis, tous des intellectuels voulant refaire le monde.

La visite d’après fut l’église catholique où allaient les Polonais, je fus très étonnée, je connaissais un peu les églises catholiques mais là ils chantaient en polonais et l’ambiance était différente, moins austère qu’en France. Nous sommes allées une autre fois à l’opéra voir « Boris Godounov » L’intérêt résidait dans l’opéra : c’était la copie conforme de la Scala en plus petit. Par contre les chanteurs étaient nuls, dès qu’ils devenaient bons ils partaient à Moscou, le décor était splendide !

Nous avons visité un monastère, une copine avait une voiture et nous emmena, il pleuvait, elle astiquait sa voiture. Elle m’expliqua que si sa voiture était sale elle pouvait avoir une amende, cela m’amusa. C’était la veille de Pâques orthodoxe, les vieilles personnes apportaient les gâteaux de Pâques, les moines les mettaient dans un coin de l’église. Je fus frappée par les moines, habituée à les voir maigres et vieux en France, du moins le peu que j’ai connu, ils étaient tous des solides gaillards que j’aurai mieux vu en bûcherons ! Nina m’expliqua que certains contestataires préféraient devenir moines que d’accepter la vie telle qu’elle était là-bas.

Notre dernière visite importante fut chez des ingénieurs et techniciens de la marine navale. Le port est aussi important que celui de Marseille. J'y ai vu des bateaux de tous les pays : c’était impressionnant.

Nina m’avait prévenu, ils sont un peu spéciaux, je ne m’inquiétai pas, cela m’amusait.

Bel appartement, ils ressemblaient plus à des pêcheurs costauds qu’à des ingénieurs, nous étions une douzaine, la vodka coulait à flots, je n’en voulais pas mais on me versait d’office, je vidais dans les plantes à côté de moi. Ils étaient fiers de détourner les bateaux pour s’approvisionner et remplir le quinquennat, tant pis pour les autres. Ils étaient un peu paresseux, aimaient profiter de la vie et buvaient de la vodka à grande dose. A la fin du repas, je me souviens le maître de maison avec d’autres se sont excusés de ne pouvoir se lever pour dire « au revoir »

Il y avait aussi le marché du Kolkhoze, on y trouvait de tout à pas cher.  J’en ai conclu que c’était la ville la plus débrouillarde parmi les pays de l’Est.

 

Elena



21 commentaires:

  1. Une ville et un port grouillant de vie, mais qu'en restera-t-il après le conflit .
    Jolie description de cette ville et d'une époque révolue
    Douce journée ELENA
    Bisous
    timilo

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  2. Une belle page de ton histoire, si bien partagée ! (j'aime bien un peu de vodka orange !)
    Bon week end à toi avec
    bisous

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    1. Je n'aime pas les boissons alcoolisées à part le cidre doux !

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  3. bonjour chere Ln, je suis allé en URSS en 1981, Moscou plus la Georgie, je ne connais pas l'Ukraine, je conserve un bon souvenir du peuple russe, mais je n'ai fait que passer , pour bien connaitre, il fallait vivre comme toi, pres des habitants , j'y suis retourné en 2006 St Petersbourg et Moscou toujours en touriste, tres bons souvenirs ...ces événements m'affligent, d'autant plus que j'ai une petite fille ukrainienne...grosses bises chere amie

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    1. la langue et origines aident à s'introduire parmi la population ! Bon courage à ta petite fille je comprends ce qu'elle ressent actuellement ! Bisous

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  4. bonjour
    au moins tu as connu la ville au temps de "sa splendeur"
    bisous

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    1. Oui et j'ai connu Kiev qui m'avait beaucoup plu !

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  5. tu égraine des souvenirs merci.

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  6. Merci pour tes souvenirs que tu nous donnes en partage et depuis tant d'années ...Que dire sinon que nous sommes tous attérés et en empathie ....Je t'embrasse Amie ...Betty

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  7. Bonjour Elena,
    Ce sont de très beaux souvenirs que tu revis et nous offre en partage, une époque pas si lointaine et aujourd'hui il est difficile de prévoir les jours à venir, que cette guerre s'arrête au plus vite,
    Bisous

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  8. Juste un bonjour pour penser à autre chose qu'à la triste actualité.

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