vendredi 26 août 2016

LE NOIR


Au village il y avait un événement de taille, il faisait jaser depuis un mois. Figurez-vous que le père Foussais avait trouvé un nouveau locataire pour sa vieille maison, celui-là n’était pas comme tous les autres qui défilaient, il était noir !
Le père Foussais n’arrivait pas à vendre sa maison, il en demandait de trop, il avait résolu le problème en demandant un petit loyer conjugué de gros travaux à exécuter. Beaucoup passaient, restaient quelques mois, las ils repartaient. Cette fois le père Foussais avait dit :
-        Celui-là il va rester, il va même acheter la maison, je vous le dis !
Il y avait les sceptiques qui disaient :
-        C’est pas parce qu’il est noir qu’il travaillera mieux, je voudrais bien voir ça !
Les discussions allaient bon train, petit à petit la doyenne du village réussit à avoir une liste de renseignements sur le futur locataire, elle alla trouver Marie et lui dit :
-        Tu savais, toi, que le noir avait une femme blanche et un enfant ?
-        Non, et toi d’où le sais-tu ?
-        Je peux pas le dire, tu verras il ne restera pas longtemps, j’aime autant je n’ai jamais vu de noir, je crois bien que j’aurai peur !
-        Dame s’il est trop noir je ne lui vendrai pas mes œufs tellement j’aurai peur renchérit Marie.
Le grand jour arriva, les nouveaux locataires arrivèrent, Francis était un homme noir d’origine africaine,  sa femme était blanche et l’enfant d’un joli métissage : il ressemblait à un ange.
Les arrivants dirent bonjour aux voisins tassés pas loin d’eux et se mirent à tout ranger, ils avaient du travail et n’avaient pas le temps d’écouter ce qui se disait.
Marie parlait à la doyenne :
-        Boudiou, j’aurai jamais cru qu’on puisse être aussi noir, c’est bien la première fois que je vois ça ! J’aurai peur de passer devant.
-        Moi de même, sa femme n’a pas peur du noir avec lui, répondit la doyenne.
Les cancans faisaient le tour du village, il faut avouer que certains n’étaient pas du tout du même avis, ils étaient même allés rendre visite aux nouveaux arrivants, leur proposant de l’aide. L’enfant jouait dans la cour, son sourire éclairait son joli petit visage, les gens ne pouvaient s’empêcher de lui sourire, dire un mot gentil. L’enfant charma le village y compris les mauvaises langues, la femme travaillait beaucoup dans la maison pour l’arranger et le week-end le couple travaillait à deux.
Au bout d’un mois ou un peu plus, Francis invita le village pour fêter la fin du gros des travaux, il faisait un barbecue dans le jardin.
De nouveau les langues se délièrent, la question était vitale « Faut-il aller chez le noir ?» Certains l’appelaient encore comme ça ! Le dimanche arriva et les 2/3 du village fut rassemblé chez les nouveaux locataires, la curiosité de voir la maison rénovée joua beaucoup dans la décision. Francis avait un caractère jovial, il était aussi très serviable,  à la fin de la soirée il avait promis d’aider deux paysans. Le village l’accepta, même Marie vendit ses œufs à sa femme, elle aimait voir l’enfant et le gâtait.
Un an passa, un jour Francis annonça qu’il partait pour un autre village à 50 km de là, il allait acheter une maison à retaper, cela lui reviendrait moins cher. Les gens s’affolèrent :
-        Qui c’est qui va venir à votre place ?
-        Massias et sa famille répondit Francis.
Le choc fut dur, pendant ce mois on ne parla plus que de Massias. Il faut dire qu’il vivait avec sa nièce, le curé n’a pas voulu les marier, le maire a refusé, ils ont deux enfants, les gens disaient : « C’est y pas malheureux ! »
La doyenne alla voir le père Foussais et lui dit très en colère :
-        Père Foussais, pourquoi donc vous ne baissez pas le prix à Francis au lieu de louer à un mécréant ?
-        Faut savoir ce vous voulez la mère, vous « n’avions » pas voulu du noir et maintenant vous refusez un blanc ? je ne connais pas de jaune répondit le père Foussais en riant. Vexée la doyenne ne répondit pas.
Francis invita le village pour faire ses adieux, tout le village fut réuni, certains étaient émus par le départ, il promit de revenir régulièrement une ou deux fois l’an.
Il y eut de la peine après le départ, la doyenne dit à Marie :
-        Je savais bien que les noirs étaient comme nous !
-        Même mieux que certains, pour sûr répondit Marie.
Francis revint régulièrement, il rendit service à plusieurs agriculteurs, les gens l’invitaient avec un plaisir immense. A sa dernière visite, il annonça une nouvelle grossesse pour sa femme, il dit :
-        Je vous inviterai à venir chez moi quand le petit naîtra.
-        Je viendrai avec vous, je n’ai pas d’auto dit Marie. La doyenne demanda la même chose, Francis sourit et leur dit :
-        Vous n’avez plus peur de moi maintenant, vous ne pensez plus que je suis cannibale ? Il riait en disant ça et ses yeux pétillaient de malice.
Les deux femmes ne se sentaient plus si à l’aise que ça, elles ne savaient plus quoi dire. La doyenne répondit fermement :
-        Dame, quand on ne connaît pas, on ne sait pas, maintenant nous vous connaissons.
Ainsi continua l’amitié de Francis avec le village, la vie reprit avec des nouveaux cancans à propos des nouveaux locataires.
 Elena



16 commentaires:

  1. C'est une belle histoire vraiment qui prouve que nous n'avons pas toujours raison avec tous nos à priori !
    Un noir vaut bien un blanc.
    Bonne journée

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  2. tres belle ton histoire, se mefier des a priori, mais dans les villages à une epoque, il est certain, que la presence d'un noir pouvait surprendre beaucoup... bonne fin de semaine chere Ln, bisous

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  3. moi triste, triste, triste, avec les métissages j'avais en calédonie une élève à la peau orange, on la boufferait, mm sans moutarde

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  4. une,histoire passionnante;
    oui, il fait très chaud en Birmanie, 38-40 degrés à cette période
    bon week end, Elena

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  5. une,histoire passionnante;
    oui, il fait très chaud en Birmanie, 38-40 degrés à cette période
    bon week end, Elena

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  6. Salut,
    Les cancans on en a encore de nos jours dans les cités.
    Qu'il soit noir, blanc , jaune ou rouge un homme est toujours un homme.
    Bonne journée

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  7. bonjour, il me semble l'avoir déjà lue sur ton blog..de toute façon difficile de changer les mentalités

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  8. Les hommes trouveront toujours quelque chose pour se différencier
    Joliment écrit
    Bon et doux weekend ELENA
    Bisous
    timilo


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  9. Les hommes trouveront toujours quelque chose pour se différencier
    Joliment écrit
    Bon et doux weekend ELENA
    Bisous
    timilo


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  10. J'ai connu ça dans mon village.
    Les préjugés sont durs à faire disparaître, mais chez nous, le noir s'est révélé peu catholique ...
    Ton histoire est plus belle.
    Bon week end ... en espérant des jours moins chauds ...
    Bisoux, elena

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  11. Ah les cancans de village : ils font beaucoup de mal parfois. Le tout dû à l'ignorance.Bisous et bon week-end Elena

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  12. ah j'ai l'impression de me retrouve chez ma grand mère il y a fort longtemps, un bien joli texte. j'ai posté le nouveau sujet du défi si cela te tente, un peu de fraicheur ce matin,cela fait du bien . bises. celine

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  13. J'ai bien aimé cette histoire mais j'aurais préféré qu'ils reviennent définitivement dans ce village, cela aurait été super.
    Tu racontes bien.
    Bonne semaine Eléna

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  14. une belle tranche de vie ...les humains ont si peur de l'autre ...pourtant aussi humain qu'eux

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  15. Bon début de semaine, ... maintenant, on se repose !
    Bisoux, elena, lève-tôt, comme moi ... ;-)

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  16. Une belle histoire, si bien racontée
    Passe un très bon début de semaine Elena avec
    bises

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