Albertine avait deux fils jumeaux, Julien et Albert, tous deux
partirent à la guerre de 1940. Julien mourut en héros et pour Albert elle reçut
une lettre disant qu’il était disparu.
-
Disparu ce n’est
pas mort disait Albertine avec espoir à chaque fois qu’on lui demandait des
nouvelles.
-
Ne te fais pas
trop d’illusions répondait Benoît son mari !
Le temps passa et Albert ne revenait pas mais sa mère était convaincue
qu’il avait été fait prisonnier et qu’il reviendrait prochainement.
Martine la fille aînée avait retrouvé son fiancé et voulait un beau
mariage avec une robe blanche mais sa mère disait :
-
Tu attendras
qu’Albert revienne, on ne peut pas faire un mariage sans lui !
-
Et s’il ne
revient pas ripostait sa fille,
-
Ce n’est pas
possible, je sens qu’il reviendra.
L’aînée se maria civilement et n’eut pas sa robe blanche, avec son mari
ils partirent dans une autre ville et Martine venait peu voir ses parents, elle
n’avait pas pardonné pour le mariage.
Un jour une lettre arriva disant qu’on pouvait considérer Albert comme
mort puisqu’on ne voyait plus où il pouvait être et beaucoup avaient sautés sur
une mine près du lieu de sa garnison. Le père pleura mais la mère refusa d’y
croire :
-
Il n’est pas
mort, je le sens, une mère sait quand son enfant est mort.
Albertine était trop têtue pour qu’on la contrarie sur ce sujet et on
laissa passer le temps. Martine venait présenter ses enfants, sa mère serrait
le bébé dans son bras et disait :
-
Dire qu’il
aurait pu être celui d’Albert !
-
Maman c’est le
mien et je suis ta fille.
Sa mère s’éloignait et martine n’avait plus envie de venir voir sa
mère, elle voyait son père à part.
Le temps passa et Albertine espérait toujours de voir revenir son fils,
elle ne pouvait imaginer le contraire. En travaillant à la ferme elle
murmurait :
-
je sais bien que
tu es toujours prisonnier ou sur la route du retour, n’oublie pas que je
t’attends mon Albert et je vieillis, ne tarde pas trop.
Et les jours passèrent sans atteindre la mère qui espérait toujours que
le retour était possible.
Dix ans passèrent, les parents vieillirent et Albertine apprit qu’elle
avait un cancer du sein mais qu’on l’avait détecté trop tard, le médecin lui
donnait six mois à vivre environ.
Benoît souffrait et savait que tant qu’elle ne verrait pas son fils sa femme
ne pourrait mourir tranquille. Il en parla avec sa fille qui lui conseilla
d’aller voir sosie parmi les acteurs, il pourrait faire illusion quelques
heures.
En ville le père trouva les sosies et un quadragénaire pouvait faire
l’affaire, il suffisait de l’arranger un peu et lui expliquer ce qu’on
attendait de lui.
Le surlendemain Albertine resta couchée, la douleur était trop forte,
elle regardait la fenêtre quand soudain elle s’écria :
-
Benoît regarde
c’est Albert, je viens de le voir à la fenêtre. Ouvre vite la porte, je savais
qu’il reviendrait.
-
Tu délires ma
pauvre femme. Mais il avait comprit et ouvrit la porte.
L’homme entra et alla embrasser la vieille femme, elle recula un peu,
le fixa puis cria :
-
Ce n’est pas
lui, allez-vous-en !
Epuisée par l’émotion elle ferma les yeux pour ne plus les rouvrir.
Une lettre arriva d’Allemagne disant qu’Albert venait de mourir, il s’était
marié avec une Allemande, il avait eu un fils nommé Benoît et que sa femme
Marlène viendrait présenter le petit.
Elena 2015