Il
y a un an encore la terre existait, que reste-t-il ? Des arbres
morts, des plantes grises ou brunes, plus de fleurs, ni fruits, ni
végétaux, aucun animal. Il ne reste que des êtres humains à peine
vivants, combien sont-ils, où vivent-ils ? Toutes ces questions
auxquelles j’aimerai pouvoir y répondre.
Je
suis témoin d’une catastrophe atomique ou nucléaire, comment
savoir ? Il y a eu des bruits d’explosion à crever les
tampons, la nuit est tombée brusquement à 15 h le 6 juin 2015. Je
me suis précipitée dans la cave avec quelques personnes présentes
dans l’immeuble. Un fracas terrible ouvrit l’immeuble, je
m’évanouis à ce moment.
Quand
je me suis réveillée, je me suis retrouvée seule, à la place de
la cave il n’y avait plus que des pierres et quelques objets
cassés. Péniblement j’ai commencé à chercher d’autres gens,
j’appelai en vain. Un vide immense me fit peur, tout était
détruit, aucun immeuble n’a survécu, je n’entendais aucun
bruit, pas même un chat.
Le
ciel était gris, il faisait une chaleur désagréable, difficile de
la définir tout comme l’odeur persistante. Je cherchai mon
téléphone, il ne fonctionnait plus, pas de télévision pour en
savoir plus, ni radio, les voitures étaient cassées, tordues. Les
plantes vertes sont devenues grises ou brunes. Je continuai à
marcher, les magasins étalaient des fruits et légumes de couleur
foncée, tous rabougris, sentant le pourri avec autre chose
d’indéfinissable.
Mes
enfants étudiaient en Amérique, cela me réconfortait un peu,
comment les joindre ? Cette idée me désola plus que tout.
Au
bout d’une semaine j’ai découvert des morts, des rescapés qui
se terraient, il n’y avait plus d’oiseaux, plus de bruit, plus
d’insectes : le désert encombré de pierres, d’objets
déformés, des ruines. Il faisait tout le temps nuit, plus rien
n’avait de couleurs, cela me manquait. J’avais des conserves,
elles me permettaient de manger, il ne fallait pas compter trouver de
la verdure. Comment savoir s’il y avait une vie ailleurs et où ?
– Sans électricité, ni téléphone, je ne captais plus rien. Nous
sommes revenus à l’âge de pierre. Peu importe si je pouvais
réfléchir comme une personne évoluée, je n’étais plus rien
dans ce monde détruit par l’homme, pourtant depuis des années on
le pressentait.
J’ai
décidé d’écrire ce qui nous est arrivé, si jamais un navire
spatial passe par là un jour, il comprendra la fin de notre
civilisation.
La
veille, je parlais avec mes voisins, ils avaient un chat, il y avait
des enfants qui jouaient dans le parc d’à côté. A la télévision
ils parlaient bien des problèmes entre différentes stations
nucléaires, les rivalités entre elles, on avait parlé d’un fou
qui avait fabriqué une bombe atomique pouvant détruire trois ou
quatre pays à la fois. Ce n’était que des propos répétitifs, on
s’en lassait… Là j’ai eu tort de ne pas m’être plus
concentrée, si je pouvais me souvenir exactement des dernières
informations ? Je n’aurai pas pu changer le cours des choses,
juste laisser un témoignage plus conforme.
Depuis
quelques jours je vois des gens, ils cherchent à se nourrir, ils
évitent les autres, j’ai essayé de parler à une femme, elle est
devenue folle et je n’ai rien obtenu d’elle, puis j’ai réussi
à parler à un homme, il a tout perdu, ne sait rien de plus que moi,
ses enfants sont morts, sa femme a disparu. Après ça je n’ai plus
osé interpeller les rares personnes entrevues, trop de misère les a
rendu morts-vivants.
Un
jeune couple est passé, ils étaient les seuls à garder une
étincelle dans les yeux, je les ai abordé – Avez-vous besoin de
conserves ? – Merci Madame, nous en avons aussi toute une
réserve, par contre l’eau se fait rare. – Je suis désolée mais
je ne peux vous donner qu’un pack, j’ignore combien de temps la
situation va durer ! Les jeunes me regardèrent étonnés –
Tout est fini, on peut survivre un ou deux ans peut-être dit l’homme
– On devrait se réunir pour mieux cerner la situation, rien ne
prouve que les autres pays sont détruits repris la jeune femme ?
– Non, mais comment vérifier sans véhicule, téléphone ou autre
moyen de communication rétorque son compagnon. Regroupons-nous entre
gens pas trop touchés mentalement et essayons de trouver des idées
concrètes dis-je. Les jeunes acceptèrent, chacun de nous devrait
essayer de trouver d’autres personnes pas trop atteintes pour
trouver un plan de survie. Je proposai de regrouper tout ce qui
pouvait nous aider à vivre au quotidien, le reste on verra au fur et
à mesure.
Quand
les jeunes refirent apparition accompagnés d’un petite groupe de
personnes, j’avais déjà eu le temps de trouver des objets utiles
et réparables comme un vélo à peine tordu un caddy pour ramener
les provisions des magasins d’à côté. Je me doutais que tout
était irradié, heureusement que j’avais accepté le vaccin
anti-radiation l’an dernier. L’eau était plus rare, bien que
j’en avais vu dans une ancienne grande surface, il suffisait d’y
aller : 10 km aller-retour environ.
Il
n’y avait pas de voitures en état de conduire, à part ce vélo
épargné je n’ai pas vu d’autres moyens de locomotion. Les
nouveau ont amenés : meubles, provisions, un téléphone en
assez bon état. Je pris le téléphone en remerciant la personne j’
essayai de joindre l’Amérique, je devais prévenir mes enfants
vivant en Californie chez leur oncle.
j’entendis
des bruits mais pas de tonalité habituelle, d’autres essayèrent
de joindre, famille ou amis vivant ailleurs, en vain.
Il
fallait mettre un plan d’action pour continuer à vivre dans un
pays isolé.
Petit
à petit nous nous sommes trouvés une cinquantaine dans le groupe.
Nous avons pu régler le problème alimentaire, en partageant selon
le nombre de personnes par famille, en général rare étaient ceux
qui avaient survécu à deux et trois il n’y avait qu’un couple
avec la mère, tous les enfants étaient morts à notre connaissance.
Nous
avons trouvé un anesthésiste, il faisait office de médecin et
dentiste à la fois, heureusement que certains ont trouvé des
médicaments en bon état.
Il
fallait absolument que nous sachions si d’autres humains ou pays
avaient été épargnés, nous comptons sur eux pour nous aider à
survivre.
Alain
dit – Je vais prendre ma boussole, et aller jusqu’à l’Italie,
si vous me prêtez le vélo, j’y serai en une semaine et nous
saurons si elle a été épargnée, de là je peux voir en Suisse et
en Allemagne puis je reviens, qu’en pensez-vous ?… L’idée
est bonne répondis-je, vous êtes seul mais il faut voir pour les
provisions, en vélo vous ne pourrez pas emporter grand chose… Ce
n’est pas le plus important riposte-t-il , je trouverai bien
d’autres provisions sur mon chemin ou même du monde… Tout le
monde applaudit, il fut décidé qu’il partira dès qu’il sera
prêt.
Alain
parti, nous continuons à chercher tout ce qui peut servir dans les
décombres. Le plus affolant ce sont les cadavres et épidémies
qu’ils peuvent engendrer, nous sommes tous vaccinés contre les
effets nucléaires mais pas contre la peste ou d’autres maladies de
ce genre. Ne voyant aucun animal, nous avons de la chance de ne rien
attraper. S’il y a des survivants pourquoi n’essaient-ils pas de
nous joindre ? Je pense qu’ils sont comme nous bloqués, sans
locomotion à moins qu’il n’y en a plus en Europe mais l’Amérique
va nous aider, je pense aux enfants. Il est impossible qu’ils
soient morts, si je lutte c’est aussi pour eux.
Depuis
quelques jours j’ai remarqué que des clans se formaient, nous ne
sommes plus qu’une trentaine, par contre d’autres personnes sont
arrivées dans la région et forment un autre clan, il y en a trois.
Je crains les rivalités et vol des objets qu’on a eu tant de mal à
trouver. Nous faisons la garde à tour de rôle, le temps est
toujours chaud, il fait gris tout le temps et on ne voit pas assez,
les ombres peuvent se profiler sans que l’on puisse les voir. Je
note tout consciencieusement, Marc et Anne, le jeune couple du début,
m’ont annoncé en rougissant – Anne est enceinte…Oh non !
Il ne faut pas le garder criais-je …
-Allez
voir Bill l’anesthésiste, il le fera passer. Anne me regardait en
hésitant – Un enfant maintenant ? Comment vas-t-il survivre
insistais-je doucement ? Ils partirent
sans
répondre.
Il
fallait prévenir Bill, d’autres personnes encore jeunes pouvaient
faire des enfants, il ne fallait pas l’accepter, j’eus son appui,
il promit de l’avorter de force s’il le fallait et d’en parler
à tous les jeunes qu’ils verraient. Le lendemain une pancarte
annonçait « Interdiction d’avoir des enfants
provisoirement », c’est la première fois que je voyais un
tel décret, pourtant on ne pouvait pas donner naissance sans savoir
si la vie pouvait reprendre ou pas ! Nous ne voyons pas le temps
passer, juste quelques chapardeurs, on ne pouvait pas faire grand
chose, tout était ouvert, aucune maison n’était reconstruite, à
quoi bon avec cette chaleur, un abri provisoire suffisait les jours
de pluie. Il fallait tenir, continuer à vivre et espérer. Le nombre
de gens augmentait, il y avait bien 10 ou 15 personnes dans les deux
autres groupes, pas facile à compter.
Alain
est revenu, Il n’a pas trouvé l’Italie, sans doute dans les
décombres comme ici, par contre il lui a semblé que la Suisse
n’était pas complètement détruite, il nous dit – On m’a
arrêté quand j’ai voulu pénétrer dans la ville, il y avait des
maisons debout, plus de monde que chez nous ; ils ont eu
tellement peur d’être envahi par d’autres qu’ils m’ont
écouté poliment, posé des questions sur la situation puis renvoyé
poliment en me donnant quelques provisions. J’ai pu voir qu’ils
sont un peu mieux lotis que nous mais aucune voiture ne roule et
leurs téléphones ne fonctionnent plus. Je remerciai Alain pour ce
compte rendu, il fallait chercher de l’aide ailleurs, mais où ?
(à
suivre)