Ben et Betina
vivaient à Ny Alesand trois à quatre mois de l’année, ils travaillaient dans le
village scientifique. Le reste de l’année ils retournaient à Tromso sur leur
propre voilier qu’ils avaient mis des années pour l’arranger à leur goût.
Comme la plupart des
habitants de Spitzberg ils avaient une arme car les ours polaires étaient aussi
nombreux que les habitants de cette petite ville.
Régulièrement ils
allaient pêcher en mer pour se détendre en plein air, surtout l’été malgré la
température qui n’excédait pas 5°. Ils aimaient voir le soleil de minuit qu’on
voyait rarement à cause des brouillards fréquents.
Lorsqu’il faisait
beau l’Arctique était d’un bleu argenté dû aux glaciers environnants et le
soleil ajoutait une féerie ! Ben et Betina n’auraient pas pu vivre loin de
la mer mais ils étaient heureux de rentrer à Tromso à la fin de la saison.
Ils avaient préparé
leur voilier, fait leurs adieux à l’équipe scientifique et mirent les voiles.
La mer était bleue et ils étaient heureux de partir par une belle journée
ensoleillée mais fraîche.
En cours de route,
ils virent un banc de baleines à bosses, elles étaient encore loin mais leur
embarcation ne tiendrait pas à l’attaque. Ben téléphona au port pour prévenir
qu’ils étaient en danger. Ils mirent le moteur à fond et abaissèrent les
voiles, les baleines ne les suivaient pas, ils se sentirent soulagés, il faut
dire qu’ils n’en rencontraient pas souvent et en général cela se passait bien.
A mi-chemin Betina
s’écria :
- Regarde on dirait
un ours qui nage vers nous !
- Oui, tu as raison
répondit Ben en regardant avec ses jumelles – Il y a même le petit assis sur le
rocher là-bas !
- Il ne faudrait pas
que la maman ourse nous renverse remarqua Bettina !
Ben réfléchit puis
sourit, il savait que les ours n’étaient pas toujours adroits pour attraper du
poisson, il allait lui en donner ainsi elle n’aura aucune envie de renverser
son voilier.
Il remplit une
passoire avec des poissons crus qu’ils avaient pêchés le matin, puis Ben tendit
un poisson en faisant signe à l’ourse. Etant un animal très curieux elle vit le
poisson et s’approcha prudemment puis elle sauta et attrapa le poisson qu’elle
avala ; Ben lui en tendit un autre et elle fit pareil. La passoire se
trouva vite vide et ben murmura :
-
j’espère que tu
en as assez car je n’ai plus rien à te donner, ce sera pour la prochaine
fois !
Betina surveillait,
elle avait mis le fusil pas loin au cas où son mari risquait un accident, elle
fut soulagée de voir l’animal s’éloigner.
-
Regarde sa tâche
sur la tête, ce n’est pas fréquent,
-
Tu as raison acquiesça
Ben.
Ils rentrèrent sans
d’autres incidents, juste un peu de tangage mais ils y étaient habitués.
Quand ils repartirent
au printemps, la mer était belle, en approchant de l’île aux ours ils virent
beaucoup d’oiseaux s’envoler, c’était toujours un spectacle magnifique et Ben
aimait les filmer ; c’est à ce moment qu’il vit un ours nager vers lui. Il
remarqua une tâche sur le front et il s’écria :
-
Regarde Betina
c’est notre ourse, essaie de voir s’il nous reste du poisson cru !
-
Ok ! Je
vois son bébé pas loin il a grandi en six mois.
Ben tendit un poisson
à l’ourse qui l’attrapa puis elle mit ses pattes sur le bastingage et ouvrit la
gueule en attendant le prochain. Pendant que son mari nourrissait l’ourse
Bettina filmait la scène. L’animal n’était pas agressif bien au contraire elle
prenait le poisson délicatement et quand Ben dit :
-
Il n’y en a plus
regarde !
L’ourse mit son nez
dans la passoire et partit doucement rejoindre son petit.
-
Nous pourrions
lui donner un nom proposa Betina,
-
Si on doit la
voir à chaque voyage tu as raison répondit son mari en riant, que penses-tu de
Oursa ?
-
Pourquoi pas.
Ils pêchèrent à
nouveau et quelle ne fut pas leur surprise de retrouver Oursa qui les attendait
le museau ouvert avec un grognement de bienvenue.
-
Mais tu vas nous
manger toute notre pêche et nous n’aurons plus rien rit Ben,
-
Il lui lança sa
pêche dans la gueule en douceur pendant qu’Oursa se tenait au bord sans faire
chavirer le voilier.
Ainsi ils se
retrouvèrent à Ny Alesand où ils racontèrent leur rencontre, personne ne fut
vraiment étonné, ils leurs arrivaient qu’au milieu de leur conférence qu’un
ours entre puis ressorte surtout si on tirait en l’air ; l’habitude est de
ne pas fermer les portes à clef car les gens peuvent ainsi aller librement sans
être obligé de sonner ou ouvrir une clé.
La saison
scientifique se passa bien, la pêche fut bonne le dimanche et le couple se
préparait à repartir.
Il y avait un peu de
houle mais ça ne les inquiétait pas, avec les voiles ils iraient plus vite.
Soudain ils aperçurent un autre bateau, il était à moteur. Ils ne le
connaissaient pas et se demandait d’où il pouvait bien venir, ils firent un
signe pour dire bonjour et au même moment ils entendirent des coups de fusils.
Sidérés Ben et Betina reconnurent Oursa qui nageait vers eux, son ourson
derrière elle et le bateau devant eux tirait sur elle !
Une mare de sang
entoura la mer, on voyait la pauvre bête essayer de les rejoindre, Ben hurlait
« Ne tirez plus, elle est inoffensive » mais les coups continuaient
et la mer devenait de plus en plus rouge. Oursa était morte, elle avait coulé
tandis que l’ourson avait également reçu une balle et essayait de rejoindre la
rive.
Ben téléphona
aussitôt pour prévenir ce qui était arrivé en donnant le numéro du bateau. Il
n’y avait plus rien à faire et il ne voulait pas parler à l’homme qui lui
faisait de grands signes tout content d’avoir tué un ours. En l’entendant il comprit
qu’il n’était pas norvégien mais d’un pays qu’il ne connaissait pas, il fut soulagé
que ce ne fut pas un des leurs qui tua Oursa sans raison mais il maudit
l’étranger qui tira sans raison apparente à part la peur.
Ils surent que
c’était un Irlandais qui était venu visiter Svalbard en campant et il avait
demandé le droit d’un port d’arme, on le lui avait accordé en précisant qu’il
ne fallait tirer qu’en cas de danger et si on ne pouvait plus faire autrement.
Pour l’ourson il fut soigné et mis dans une réserve le temps qu’il retrouve sa
santé.
Ils n’eurent plus
l’occasion d’apprivoiser d’ours au cours de leur voyage mais parfois ils
regardaient le film qu’ils avaient pris et ils avaient le cœur gros. Il faut
dire que des ours ils en voyaient mais ils ne s’approchaient pas, Oursa avait
été la plus téméraire.
Elena 2013