Fédia n’était pas mon oncle mais en russe les enfants appellent oncles
et tantes les relations proches de leur famille ou toutes personnes
passant l’âge d’être jeune-fille ou jeune homme et ensuite on passait au stade
de grand-mère ou grand-père.
Il avait quelques années de plus
que maman et avait vécu à Kharbin dans sa famille avec le rôle d’aider son
frère André à mieux étudier. En
grandissant maman tomba follement amoureuse de lui mais, j’ai su plus tard,
qu’il était tombé amoureux de la cousine Tania vivant avec eux, leur amour
était réciproque. Fédia était un très bon élève, il étudiait le piano, il
jouait souvent avec Tania à quatre mains ou seul à l’occasion d’une fête et les
adultes l’applaudissaient et le félicitaient. Il était d’une famille pauvre
Tania et Fédia n’eurent pas l’autorisation de se marier, Les parents de
Tania considéraient qu’il était d’un autre milieu qu’eux. Vexé Fédia partit en
Amérique tandis que Tania épousait le premier noble qui se présenta, ils
partirent en Australie, elle eut un fils puis elle divorça ; plus tard
elle se remaria avec un anglais vivant à Sidney. Maman correspondait avec
Fédia, elle apprit qu’il était devenu chef d’orchestre en Floride, il s’était
marié et avait deux fils. Tania m’a dit
quand je l’ai rencontré après la mort de maman, qu’elle avait promis à ses deux
maris de ne jamais lui écrire et elle a tenu cette promesse, maman lui donnait
de ses nouvelles par correspondance, elle vivait en France et Tania en
Australie mais gardaient des relations amicales.
Oncle Fédia, je l’ai rencontré
vers vingt-deux ou vingt trois ans, il était venu en France, oublier la mort de
sa femme, il vécut chez maman. Il était grand bien bâti, il avait une belle
chevelure qui lui tombait dans le cou, un beau regard profond, des traits
réguliers mais volontaires. On pouvait dire qu’il était beau !
Mon mari et moi lui avons fait
visiter Paris, nous l’avons aussi laissé seul avec maman. Avant de partir il
offrit un dollar comme souvenir à mon époux qui collectionnait l’argent de tous
les pays et promit de correspondre avec nous.
Il nous avait beaucoup plu, un homme plein de charisme avec un charme
fou et très ouvert. Hélas on n’entendit plus parler de lui et maman en fut très
peinée, elle ne trouvait pas la raison. Nous faisions des hypothèses, elle se
demandait s’il n’éprouvait pas un sentiment de revanche car il était devenu
riche et elle pauvre. Je ne le pensais pas, je croyais que maman avait sans
doute gaffé et l’avait blessé sans s’en rendre compte, chose dont elle était
coutumière.
Avant la mort de maman je
téléphonai à Fédia et je le suppliai d’écrire à maman qui allait bientôt
mourir, il l’a fait mais a rajouté une prière pour les mourants. Ma sœur,
présente quand maman ouvrit la lettre fut furieuse contre moi, maman expliqua
qu’il avait certainement perdu la tête, il était devenu gâteux étant plus âgé
qu’elle, et il ne savait plus ce qu’il
faisait. Je ne lui écrivis pas quand maman s’éteignit, j’étais en colère contre
son long silence et son retour avec si peu de délicatesse.
Mon mari a toujours le dollar dans sa boite, il fut un temps où il
collectionnait l’argent des différents pays, on nous cambriola et les pièces
disparurent à part le dollar.
Elena 2015