A huit ans je vivais chez ma grand-mère. Parfois elle me
laissait aller voir ma mère dans le métro.
Ce jour-là, je courais tout le long du chemin et je me
précipitais dans le métro, le temps était compté. Elle m’attendait toujours, cela me rassurait
de voir son sourire épanoui.
Je passais une heure merveilleuse en sa compagnie. Ma mère me racontait
des belles histoires, me dessinait sur un cahier des dessins humoristiques,
m’achetait des bonbons au distributeur. Elle écoutait mes plaintes sur sa belle-mère
mais ne disait rien, insistait pour que je sois patiente. Un jour elle me
demanda :
-
Tu en as parlé à
papa ?
-
Non, papa ne
s’occupe plus de moi, il laisse faire grand-mère et n’intervient jamais.
Maman soupirait, elle m’embrassait et passait à autre chose. C’est là
qu’elle me racontât « L’homme qui rit et Les misérables » de Victor
Hugo, quand je les lus plus tard je trouvais que ma mère savait mieux raconter
que les livres et je fus déçue.
Puis il fallait rentrer, après des embrassades mouillées de
larmes, je courais pour être à l’heure.
Cela ne changeait rien, grand-mère était toujours de mauvaise humeur.
Je devais me déshabiller et elle me lavait contre la crasse morale de ma mère.
Je l’entendais critiquer la femme indigne qui avait laissé tomber son fils pour
la seconde fois, puis elle me disait que je serai comme elle… J’essayai de me
boucher les oreilles en pensant à autre chose, ce n’était pas évident tous les
mots s’incrustaient en moi et me faisaient mal.
Une fois habillée ma grand-mère me laissait en paix, sa colère s’était
dissipée. Il lui arrivait de me lire un livre ou bien raconter une histoire,
elle avait oublié son ennemie.
Le soir mon père évitait de se trouver seul avec moi. Je savais qu’il
ne voulait aucune plainte de ma part, surtout ne pas se mêler des relations
entre sa mère et moi.
J’en concluais que le jour où j’allais voir maman, était à la fois une
fête et un cauchemar !
Elena