Nadia avait été une jeune femme
resplendissante, invitée dans les familles les plus nobles, elle
aimait sortir, danser, recevoir… Le couple avait deux enfants :
Igor, le bien-aimé de sa mère et Tatiana plus aimée par le père.
En 1916 le mari de Nadia mourut et elle ne sortit plus. La guerre tua
Igor, jeune lieutenant.
Nadia se retrouva seule avec Tatiana,
leur solitude ne les rapprocha pas, il fallut attendre la révolution
et Tatiana décida de partir en Europe, elle atterrit en France.
De son côté Nadia resta en Russie,
étudia pour devenir dentiste.
Pendant que Tatiana se mariait avec
un bourgeois, menant une vie oisive, s’intéressant surtout au
maquillage, vêtements et vie inutile de bourgeoise s a mère est
devenue communiste, adhérant entièrement au nouveau régime ;
oubliant la vie mondaine.
Les années passèrent tranquillement
pour la mère et la fille, un jour Tatiana retrouva sa mère et une
correspondance s’ensuivit. Malgré leurs désaccords politiques,
elles trouvaient des sujets pouvant les réunir. Nadia n’avait plus
de famille et désirait ardemment retrouver sa fille. A 80 ans les
Soviétiques permirent à Nadia de rejoindre Tatiana en lui versant
sa retraite en France. Le bonheur se sentait dans le courrier,
Tatiana prépara la chambre de sa mère et comptait les jours pour la
retrouver.
Enfin Nadia arriva en France et sa
fille l’attendait à la gare avec son mari, toujours du même avis
que sa femme, puis ils arrivèrent dans la belle maison bourgeoise de
Tatiana qui fit visiter sa maison avec fierté. Nadia lui ramena des
bijoux et tous les objets personnels qu’elle put prendre, elles
avaient tellement de choses à se raconter.
Le bonheur idyllique ne dura pas
longtemps entre la mère et la fille. Nadia recevait « La
Pravda » journal communiste et cela gênait beaucoup sa fille,
puis elle devint amie avec une femme communiste parlant le russe,
voisine que sa fille avait toujours ignoré.
De son côté Tatiana refusait la
cuisine russe, son mari était français, elle économisait sur le
chauffage et sa mère avait froid l’hiver, elle prenait la retraite
de sa mère et ne lui laissait presque rien. Il est évident que la
crise devait arriver, après une longue dispute Nadia fit une
demande de retour en Russie, sa fille ne l’en empêcha pas.
Le gouvernement russe refusa
prétextant l’âge avancé, elle devait avoir près de 85 ans déjà.
En attendant, la mère et la fille
mangeaient séparément , le mari ne s’en mêlait jamais.
Elles évitaient de se voir, Nadia restait de plus en plus dans sa
chambre à écouter radio Moscou ou lire « la Pravda ».
Nadia approchait 90 ans et n’en
pouvait plus, elle dépérissait, l’amie Russe eut pitié d’elle
et prévint la mère supérieure Directrice d’une maison de
retraite Russe, celle-ci lui écrivit en lui proposant de la prendre
à condition qu’elle ne lise plus « La Pravda ». Au
point où elle en était, elle accepta, prit aussi le passeport des
émigrés russes, dure décision. Elle se retrouva dans la maison de
retraite d’anciens émigrés de la révolution, elle ne fut pas
acceptée par les pensionnaires, d’un autre milieu et n’ayant pas
accepté le communiste. La mère supérieure n’était pas une
mauvaise femme mais ne pouvait pas devenir communiste pour lui faire
plaisir.
Nadia s’éteignit de tristesse. Elle avait retrouvé sa fille
pour mieux la perdre, elle avait perdu ses amis et son pays et la vie
n’avait plus d’intérêt pour elle. Elle ne parla plus, ne bougea
plus et s’éteignit doucement n’ayant plus rien d’humain.
Tatiana tomba
malade peu de temps après la mort de sa mère, elle ne guérit pas
et mourut 18 mois plus tard. Le mari ne le supporta pas et se pendit.
Elena