DOMINGO
Véronique était
une femme effacée, elle ne travaillait pas, elle avait élevé 4
enfants. Quand ses enfants furent adolescents elle se sentit plus
libre et se consacra à des cassettes d’art lyrique. C’est ainsi
que son mari lui offrit Carmen, joué et chanté par Placido Domingo
et Julia Migenez. Son mari, travaillait à la bourse, rien d’autre
ne l’intéressait sauf parfois le football, Véronique profitait
des instants où elle était seule, pour regarder le film. C’est
ainsi qu’elle tomba follement amoureuse de Placido Domingo, plus
elle voyait le film et plus elle s’imaginait être à la place de
Carmen, elle entendait les déclarations d’amour de sa part.
Véronique se
découvrait une âme romantique, elle n’avait connu que labeur,
devoir conjugal, tristesse, enfin elle découvrait l’amour ;
platonique mais c’était un sentiment qu’elle ne connaissait pas
encore.
En 1990 parut la
cassette vidéo des 3 ténors, Véronique économisa pour se
l’acheter, aussitôt elle le regarda. Il lui semblait que Placido
chantait pour elle, il la regardait, lui disant des belles paroles
qu’elle n’avait jamais entendues, pas même durant ses
fiançailles assez banales.
Puis parut les 3
ténors en 1994, Véronique l’acheta dès qu’il sortit,
elle devenait passionnée, elle rougissait comme une jeune fille. Son
mari lui fit un brin de cour la trouvant plus jolie mais il sentit
vite sa réticence, il pensa qu’elle le trompait et demanda à un
détective de la surveiller. Il apprit qu’elle restait seule à la
maison et parfois s’achetait un DVD mais toujours de l’opéra, il
sourit et oublia son épouse pour des choses moins futiles. Entre
temps Véronique collectionnait tous les opéras tournés par
Domingo, elle acheta le DVD des 3 ténors à Paris, elle fut un peu
déçue, trouva qu’il avait vieilli, elle se rappela qu’elle
aussi avait vieilli, s’ils devaient vieillir ensemble, elle devait
l’accepter.
La vie continua
ainsi jusqu’au jour où les enfants alertèrent leur père que leur
mère n’était pas bien, elle passait la journée devant l’écran
à regarder les opéras et soupirait en disant « Placido, tu
seras mien un jour » Elle n’écoutait plus ses enfants,
vivait dans un monde qui n’appartenait qu’à elle entre
Paillasse, Carmen, les ténors et d’autres, sa collection était
énorme maintenant.
Inquiet son mari
fit venir le médecin qui conseilla le psychiatre, elle y alla sans
trop savoir ce qu’elle faisait, parla de sa passion. Le psychiatre
ne put rien pour elle, au bout d’un an il dit à son mari qu’elle
ne guérirait pas en prononçant des noms savants qu’il ne comprit
pas. Il voulut savoir ce qu’il devait faire. Le psychiatre lui
dit :
Le mari continua
à travailler, encore plus, pour oublier sa femme défaillante,
Véronique attendait que Placido Domingo vienne la chercher pour
l’emporter dans un autre monde.
Les enfants
partirent petit à petit, ils venaient très peu, leur mère n’était
plus disponible pour eux. Un jour Véronique partit, elle avait
entendu dire que Placido vivait seul aux USA, elle ne savait si
c’était vrai ou pas, mais elle pensa que c’était le signe tant
attendu, elle partit le rejoindre, il la reconnaîtrait même sans
l ‘avoir jamais vu, elle en était certaine !
Elena