BLOK
L’inconnue
Le
soir, un vent fiévreux et lourd oppresse
Parmi la rue où sont les restaurants,
Alors que juin à des clameurs d’ivresse
Mêle son âme aux souffles altérants.
À peine si quelques voix d’enfants crient.
À peine si l’on voit se détacher
Loin, sur l’ennui morne des closeries,
L’enseigne au croissant d’or d’un boulanger.
Et chaque soir par delà les barrières,
Entre les verts talus de gazon ras,
Les fins roués aux expertes manières
S’en vont, chacun une fille à son bras.
Parmi l’étang le jeu des rames sonne,
Parfois un cri de femme retentit –
Et dans le ciel, qui de rien ne s’étonne,
La lune au croissant blême s’arrondit.
Ainsi le soir, tout au fond de mon verre
Tel un ami fidèle me sourit ;
Et je le vois dans la liqueur amère
Se fondre avec mon visage attendri.
Quelques servants, près des tables voisines,
Errent d’un pas somnambulique et las ;
Des hommes saouls aux prunelles sanguines
Clament en chœur : in vino veritas.
Et chaque soir je revois m’apparaître,
— Ou bien d’un songe seul suis-je leurré ?
—
Un corps de femme, au vague des fenêtres,
Svelte, et de soie et de velours paré.
Spectre frôlant les tables par rangées,
Que toujours seule ainsi l’on aperçoit,
Et de parfums et de brouillards chargée
Auprès d’une fenêtre elle s’assoit.
L’on sent peser un monde de ténèbres
Parmi sa robe aux frôlis lents et doux ;
Son grand chapeau s’orne en plumes funèbres,
Ses frêles mains sont lourdes de bijoux.
Telle elle semble à mon âme hantée.
Sous sa voilette, alors plongeant mes yeux,
Je vois s’ouvrir une rive enchantée,
À des lointains purs et mystérieux.
Les sens brûlés d’incorruptible flamme,
Des plus obscurs secrets je suis témoin ;
Tous les replis ténébreux de mon âme
Sont transpercés par l’âpre éclair du vin.
Je crois alors sentir dans ma cervelle
Les grands, les noirs plumages osciller ;
Je vois ses yeux dont bleuit la prunelle
Comme des lis, à l’horizon, briller…
Ainsi je porte un trésor, dont sans cesse
La clé magique obéit sous ma main…
Tu disais vrai, monstre à face d’ivresse :
La Vérité pour moi gît dans le vin.
Blok
Ce fut son poème le plus connu mais
d’autres ont suivi. Il fut un grand poète du XXe siècle. Né en 1880 il est mort à 40 ans, l’alcool
mais surtout les prostituées et les maladies vénériennes. Il aimait son épouse
mais avait besoin des prostituées pour se sentir bien. Il fut reconnu comme un
grand poète symboliste russe.
Elena
Je ne le connaissais pas et ma foi dans son poème on voit bien son amour du vin...hélas beaucoup d'artistes, de créateurs ont eu besoin de boire ou autre drogues addictives pour se laisser aller et nous ont donné des oeuvres remarquables. C'est ainsi. Bisous et une belle journée
RépondreSupprimerOui c'est un grand poète !
Supprimerj'ai du mal à comprendre qu'il ait eu besoin d'aller voir ailleurs !!
RépondreSupprimerbisous
Voilà un poète qui semble avoir aimer le vin, mais ceci dit j'aime cette découverte. Bisous bon début de weekend
RépondreSupprimerBonjour Eléna, in vino Véritas, Blok avait tout dit ! "Loin, sur l’ennui morne des closeries,
RépondreSupprimerL’enseigne au croissant d’or d’un boulanger" un texte qui se lit comme un bon digestif!
j'avoue que je ne connaissais pas du tout, un amateur de bouteilles et de femmes, mais qui jouait avec bonheur avec les mots. bises.celine
RépondreSupprimerbonjour LN, un beau poeme, je ne connaissais pas ce poete ! il aimait le vin et les prostituées ! merci a toi, amities et bises
RépondreSupprimerPoème joli
RépondreSupprimerAmandine