vendredi 6 décembre 2013

LE VIEUX SIMON (histoire vécue par une amie, j’ai connu cet homme)



      Il était PDG dans les tissus, tout le monde le connaissait sous le nom de « Simon » avec ou sans monsieur. Je l’ai rencontré dans un cabaret russe où chantaient des amis d’enfance. Ivan à qui j’avais expliqué ma situation financière au bord du gouffre décida de me le présenter. Il s’assit en face de moi et mon amie, je n’aimais pas aller seule au cabaret. Nous avions une trentaine d’années chacune et lui, le double. Il nous apprit qu’il était polonais mais parlait  un russe impeccable. A sa troisième vodka il me parla des grands écrivains, sa culture était colossale et je le trouvai vraiment intéressant. Seulement je buvais de l’eau et lui de la vodka, au bout d’un moment il ne savait plus trop ce qu’il disait.
-         Je vous invite au cabaret « L’Etoile de Moscou «  dit –il. Je savais que c’était le meilleur cabaret de Paris et qu’il coûtait horriblement cher, je regardai Ivan,
 il opina et me dit discrètement « il peut, il est très riche et si ce n’est pas nous ce seront d’autres » J’acceptai sans remords ainsi que mon amie. Entre temps il invita d’autres personnes à venir avec nous, il nous proposait de dîner ou prendre un pot là-bas.
Ivan et ses amis jouaient bien de la guitare mais ils chantaient vraiment mal, ils ne connaissaient pas bien la langue russe. Je pensai aussi que je n’aurai pas d’autres occasions d’aller à la « L’Etoile de Moscou » et j’étais contente de l’occasion qui s’offrait à moi.
Nous sommes rentrés une dizaine, les serveurs serviles se précipitèrent vers lui faisant du « M. Simon »  lui trouvant une grande table devant pour bien voir le spectacle,  il était presque à sa fin.
Des jeunes chanteuses et danseuses sont venues embrasser Simon, lui parler comme à un enfant gâté, il roucoulait au milieu de son fan club. Il n’était plus le même mais un homme qui invitait tout le monde généreusement, payait sans rechigner. J’ai compté qu’il avait  dépensé une somme folle dans la soirée. Ivan me dit à l’oreille « Il le fait presque tous les soirs, ne t’en fait pas il est millionnaire » J’avoue que je ne m’en faisais pas du tout.
J’avais commandé un jus de fruit à son compte et j’admirai le spectacle, les pitreries d’un vieil homme soûl ne m’amusaient nullement.
A cette époque j’étais au chômage et j’en profitai pour lui glisser un mot de mon état précaire. Il me rassura aussitôt :
- Viens me voir demain au café en face du métro La Bastille à 18 heures, j’ai quelque chose pour toi, ma secrétaire vient de prendre sa retraite, cela t’intéresse ?
- Oui, merci beaucoup ! Seule avec une fille pré adolescente j’aurai accepté n’importe quoi, il me tenait, il me fallait absolument cet emploi.
Le lendemain j’attendais au café de la Bastille depuis deux heures mais à 20 heures 30 je partis et allais voir si je trouvais le vieux Simon au cabaret où je l’avais rencontré. Il y était avec une nombreuse cour. Me voyant il me fit signe de venir, je répondis :
-         Je n’aime pas les lapins ! Et j’allai m’asseoir un peu plus loin froissée qu’il m’ait oublié.
Ivan vint me dire qu’il était beaucoup sollicité et qu’il ne fallait pas lui en vouloir, la prochaine fois il m’aidera. Il me proposa même de lui parler de mon cas presque désespéré avec ma gamine de douze ans passé.
Trente minutes plus tard Simon me fit signe et je rampai vers lui oubliant mon orgueil. Il me promit de venir au même café le lendemain à la même heure, il serait plus libre et la place était toujours disponible pour moi.
Le lendemain, j’attendis encore plus de deux heures, je n’avais que son téléphone à domicile et il ne fallait pas appeler à cause de sa femme jalouse. Après avoir consommé deux menthes à l’eau je partis le cœur lourd, il me tenait, je n’avais aucune perspective et je devais trouvais trouver un travail d’urgence.
Au bout de cinq jours de rendez-vous remis,  de dîners au cabaret gratuits, car le vieux Simon m’invitait à manger ainsi que d’autres : des jeunes couples et surtout des courtisans ; je n’arrivais pas à refuser tellement j’étais juste financièrement, je décidai de retourner chez ma mère où j’avais laissé ma fille et de trouver un poste de caissière ou de femme de ménage, bref ce qui se présenterait dans les journaux.
 A ce moment Simon me dit :
-         Ne t’inquiète pas tu l’auras ta place, attends un peu !
Je ne répondis pas, j’allais voir Ivan qui m’expliqua :
-         Laisse tomber, il te fait tourner en rond, il est si sollicité que ça l’amuse.
Je le remerciai et je rentrai chez moi.
Le lendemain matin le vieux Simon me téléphona comme il faisait souvent :
-         Bonjour, je t’attends à la Bastille au café face au métro, ce soir je n’ai rien je serai là.
-         Bien sûr, j’y serai. Ce furent les derniers mots que je lui dis. J’achetai le journal et je trouvai plusieurs places de secrétaires, le problème était que je n’avais aucune formation pour la place, je l’avais juste exercé dans le cadre d’une association contre la faim.
La chance voulut qu’un chef de personnel accepte de me prendre dans son entreprise et je retrouvai un emploi. C’est là que je remarquai à quel point le vieux Simon m’avait rongé, et tenu en son pouvoir. J’étais devenue toute maigre, les yeux cernés et nerveuse. Je laissai ma fille quelques mois chez ma mère le temps d’avoir un contrat fixe. Le temps s’écoula et je repris des forces goût à la vie, ma fille vint vivre avec moi. Malgré tout je n’oubliai jamais le vieux Simon et quand Ivan me dit au téléphone :
-         Tu te souviens de Simon ?
-         Oui, bien sûr,
-         Il est mort, il buvait beaucoup de trop et avait un cancer de la gorge.
Une parcelle de ma vie se referma avec cette nouvelle et j’en fus presque soulagée.
Elena 2013



17 commentaires:

  1. Une parcelle de vie qui nourrit tes souvenirs
    Non je n'ai pas laissé tomber mon blog , bien au contraire j'y publie quotidiennement ...
    L'adresse de ce dernier http://lapoesiedetimilo.blog50.com/
    Douce journée Eléna
    Bisous
    timilo

    RépondreSupprimer
  2. merci pour cette parcelle de vie, une histoire un peu triste d'un homme qui brulait ses dernières cartouches, heureusement ton amie a réagi...bonne fin de semaine, grosses bises

    RépondreSupprimer
  3. Cela me fait penser au roman d’Émile Zola "L'Argent" dans la série " Les Rougon-Macquart".


    RépondreSupprimer
  4. belle tranche de vie ... juste ..." je rampai vers lui ".....ça ,dans la phrase, me rend perplexe ...rampai .....
    la tempête est passée pas de dégats , juste de hautes vagues à la mer mais ici en ville j'ai deja connu pire , le vent ne siffle plus du tout dans la cheminée et le ciel est superbement bleu!

    bisous et belle journée

    RépondreSupprimer
  5. une belle histoire vécue, Elena;
    belle journée;

    RépondreSupprimer
  6. Bonjour Elena,
    Ce sont de belles rencontres Elena, mais cette amie dont tu relates la rencontre avec cet homme est pénible, l'argent et la maladie ne permettent pas tout, fausses promesses auxquelles elle se rattachait au point de ramper vers lui ... comme quoi quand tu te retrouves dans la misère tu peux être affaibli au point de te laisser humilier.
    Très belle journée à toi.
    Bisous.
    Prima

    J'ai repris sur mon Overblog-Kiwi, un ancien billet ... inspirée par une publication d'un ami...

    RépondreSupprimer
  7. interessant cette tension entre ce vieil homme riche et toi a un passage difficile de ta vie je vois tres bien de quoi il retournait il y en a plein a paris français ou etrangers ki aiment se pavaner avec leur argent mais comme toi je ne leur doit rien et c tres bien ! :) bn wd bizous

    RépondreSupprimer
  8. histoire palpitante
    j'ai connu plusieurs cas d'ivrognerie
    mais pas à ce point
    en délirium tremens
    l'homme voit des araignées au plafond
    *La misère menant a tout
    cette fille....désespérée aurait pu.....
    je ne sais, j'imagine !

    RépondreSupprimer
  9. à quoi sert la richesse, le pouvoir si c'est pour se détruire et détruire l'entourage, elle a mis du temps à réagir mais a réagi !!
    bon week end

    RépondreSupprimer
  10. un drôle de bonhomme qui a mon avis, devait avoir si peur de la mort qu'il a brûlé sa vie .... et voulait brûler celle des autres .. heureusement que cette dame a réagi .... à bientôt mon amie, je m'envole dans quelques heures vers un pays soleil nature .. j'ai mis un article sur mon blog ... prends soin de toi et à bientôt - bisous

    RépondreSupprimer
  11. merci de l'avoir partagé avec nous
    Excellente fin de journée

    bon weekend

    Bisous créoles

    RépondreSupprimer
  12. Bonsoir chère Eléna je viens te souhaiter une bonne fin de semaine gros bisous

    RépondreSupprimer
  13. L'inconscience des riches...
    Heureusement ton ange gardien veillait !
    Bonne journée Elena
    bisous, Emma

    RépondreSupprimer
  14. Bonjour Elena,
    Un petit passage pour te souhaiter un bon week-end,
    Bisous
    Prima

    RépondreSupprimer
  15. salut
    c'est pas bien de faire ce qu'à fait Simon
    bonne journée

    RépondreSupprimer