Lorsqu’il
est venu habiter la masure du père Vieney, il a juste dit « Je ne suis pas
d’ici » depuis les gens l’appelaient « L’étranger » Il parlait
très mal le français, parfois sa femme traduisait à sa place, elle était
française. L’épouse faisait des ménages, leurs deux fillettes allaient à
l’école puis à la garderie, l’étranger
faisait des petits travaux au noir, il n’avait pas encore l’autorisation de
vivre en France.
Il
était très bricoleur, savait poser le carrelage, monter un mur en ciment,
connaissait la plomberie et l’été il débroussaillait les champs du village et
des environs.
Le
couple avait arrangé la masure, colmaté les trous et vivait assez bien. A mon
tour je lui avais demandé des travaux dans le grenier, arranger une pièce
supplémentaire. Il venait le matin, rentrait manger chez lui et revenait
l’après-midi, le soir sa femme venait le chercher avec les enfants en voiture,
il n’avait pas de permis. Les enfants attendaient dans la voiture poliment, je
les ai fait entrer et jouer dans le
jardin, ils étaient polis et gentils. Un jour nous avons discuté pendant qu’il
travaillait, il m’a dit qu’il était grec d’un côté et polonais de l’autre, avec
une goutte de sang juif et une goutte venant d’Ukraine. Il m’avoua ne parler
que le grec et le français. En Grèce il travaillait dans un cirque. Je voulais
savoir pourquoi il n’était pas resté, il a ri en disant :
-
Je suis l’étranger, trop de sang mêlé
dans les veines
Sa réponse me laissa perplexe, j’avais remarqué qu’il
portait l’alliance à droite, comme les Grecs, je ne comprenais pas pourquoi il
avait quitté son pays ? Il m’intriguait, je décidai de demander à son
épouse, il arrivait qu’elle reste avec moi le temps qu’il finisse son travail.
C’est ainsi qu’elle m’apprit qu’en Grèce on le considérait comme un étranger,
son père venait d’Ukraine et parlait mal le grec, il aurait mieux valu le
contraire. Par contre, elle ne me dit pas pourquoi il avait quitté le cirque ni
son pays d’origine, il était né en Grèce.
Nous les voyons dans différents villages avoisinants
travailler à l’extérieur, son épouse venir le chercher et les enfants toujours
tranquilles.
L’étranger vivait dans la masure de Vianey depuis un
an déjà, je le voyais en passant en voiture, lorsque j’allais faire des
courses. Les enfants jouaient avec d’autres enfants, ils semblaient s’être
adaptés au village.
Dans l’ensemble, les gens étaient contents de ses
services, ils payaient moins chers, l’homme travaillait bien, on n’avait rien à
lui reprocher.
Le travail au noir pose toujours un problème :
il rend jaloux ceux qui travaillent en payant des impôts, en gagnant moins sans
prendre de risques.
Je l’avais conseillé à ma voisine de droite, une
vieille dame veuve, elle avait besoin de refaire son sol. L’étranger était
accompagné par sa femme, elle était repartie et le soir elle l’attendait devant
la porte. Parfois elle venait avant ou plus tard, selon l’heure où elle
finissait ses ménages. Son travail était régulier, elle ne travaillait pas au
noir. Bonne précaution, ayant deux enfants, elle ne voulait pas prendre de
risques.
C’est chez ma voisine que j’ai su qu’elle l’avait
rencontré au cirque, il n’exerçait plus mais ça lui manquait et dès qu’il y
avait un cirque dans un village il essayait d’y aller, parfois il leur donnait
un coup de main tellement il était heureux de se retrouver parmi eux. Je la
questionnai, j’ai su qu’elle l’avait vu marcher sur la tête, faire des sauts un
peu spéciaux… A ce moment il était venu et elle s’est tue immédiatement. Il ne
dit rien, j’ai eu l’impression que cela ne lui plaisait pas de trop.
L’étranger avait fait des efforts pour comprendre et
se faire comprendre, il connaissait bien l’anglais mais dans les villages
français peu de gens parlent anglais, parfois un enfant traduisait.
Un jour sa fille aînée, était restée avec moi, nous
avions promené mes chiens ensemble, elle me dit :
-
Mon père n’a pas de patrie
-
Il est grec pourtant
-
Je sais, mais je ne suis pas sûre qu’il se sente
grec, il dit qu’il est partout « Etranger » Il aimerait que nous
restions françaises, c’est trop dur !
Etonnée, je lui demandai
ce qui était dur pour son père ? Elle me regarda et dit :
-
Vivre et ne pas faire partie du pays, ne pas
comprendre, se sentir humilié, voir la pitié…
Je ne savais plus quoi
répondre, comment changer cet état d’esprit, je ne savais pas s’il avait cette
impression ou si les autres le lui faisaient sentir ?
En revenant de promenade,
son père lui fit remarquer qu’il est tard, ils partirent aussitôt, sa femme
conduisait. Je la sentis ennuyée, elle n’aurait pas dû laisser sa fille venir
avec moi. Cette impression se confirma la fois suivante, quand je proposai à la
petite de m’accompagner, sa mère refusa prétextant qu’elle allait étudier dans
la voiture, je n’insistai pas.
L’étranger vécut 18 mois
tranquille, dans un village voisin. Il travaillait, parlait peu, attendait sa
femme pour rentrer chez lui.
Tous étaient discrets
dans l’ensemble et le peu que j’appris les autres ne le savaient pas.
Un jour, l’étranger
travaillait sur un toit, il remettait les tuiles de la mère Damien, le vent les
avaient fait tomber, son maçon était débordé par des dégâts plus importants,
elle avait trouvé plus simple de demander à l’étranger. Cet argent permettait à
l’étranger d’économiser pour arranger la masure, il comptait l’acheter et l’arranger
en jolie maison pour sa famille.
Le lendemain je vis les
gendarmes rôder dans le village, ils posaient plein de questions sur
l’étranger, du genre
-
As-t-il travaillé chez vous, que savez-vous de
lui, d’où venait-il et j’en passe…
Comme les autres je dis
le strict nécessaire. J’allais voir ma voisine, elle pensait qu’il avait été
dénoncé pour son travail au noir, sans doute un maçon qui avait été remplacé
par lui.
Quelques jours passèrent,
on ne vit plus l’étranger, la masure était fermée. Etonnée, je me renseignai
auprès des voisins du village ils dirent que les gendarmes sont venus le
chercher, la femme et les filles sont retournées dans la famille de l’épouse.
Je demandai pourquoi on l’avait arrêté ?
-
Il était poursuivi comme trafiquant de drogue,
dirent certains
-
Il avait volé les Bertrant, son prix était plus
cher que prévu dit un autre
-
Il n’avait pas dit qu’il n’avait pas la carte de
séjour, on ne l’aurait pas pris dit encore une personne.
L’étranger n’a plus
reparu, les travaux faits ne semblaient plus aussi bien, les prix n’étaient pas
intéressants puisque sa femme venait le chercher et il partait souvent avant
l’heure.
Je ne me plaignais pas,
tout avait été bien fait, ma voisine trouva son sol mal fait et fit venir son
maçon.
Tour à fait par hasard,
je tombai sur sa femme, je lui demandai comment allait son époux, elle me
répondit :
-
il a quitté la France
-
Comment, et vous ?
-
Il n’avait pas la permission de vivre en France,
c’est pour ça qu’il vivait à la campagne, il a été dénoncé pour avoir travaillé
au noir. Les gendarmes sont venus le chercher et l’ont ramené en Grèce.
-
Et vous, vous n’avez pas pu le suivre ?
-
Non, je suis française, il m’a écrit qu’il va
essayer d’avoir un visa pour venir, je n’y crois pas de trop. Pour la drogue
c’est vrai mais il a payé, il est allé en prison, depuis jamais il n’y a
touché. Je me demande comment ils ont pu savoir ?
Elle pleurait disant
qu’elle l’avait prévenu que les gens n’aiment pas les gens d’ailleurs. Elle
s’était réfugiée chez ses parents car on attaquait ses filles, disant que son
père travaillait mal, qu’il était un escroc, qu’il ferait de la prison…
Maintenant je dois
oublier, mes filles aussi tout en souhaitant le retrouver un jour, j’ai envoyé
une lettre en Grèce, après je n’ai plus continué, s’il se cache, je ne veux
plus qu’on le dénonce, surtout pas par moi.
L’étranger n’est plus
revenu, l’épouse vécut chez ses parents, elle éleva seule, ses enfants, il ne
lui donna plus signe de vie, pourtant, un jour elle disparut à son tour...
Elena
un très joli récit, Elena
RépondreSupprimermerci et belle journée;
un très joli récit, Elena
RépondreSupprimermerci et belle journée;
un roman russe avec un héros grec, hourrah!
RépondreSupprimerbonjour, je ne sais pas si c'est une fiction mais une histoire qui semblerait bien réelle !!
RépondreSupprimerparfois les chemins de la vie sont tortueux .... c'est souvent dommage pour les enfants qui doivent vivre les fautes des parents ...
RépondreSupprimerbonne fin de semaine
Que la vie est dure et compliquée quand l'on vient d'ailleurs. Une histoire bien triste et qui donne une idée des mentalités. Bisous Elena
RépondreSupprimerUne histoire triste mais si joliment écrite
RépondreSupprimerDouce journée ELENA
Bisous
timilo
Une histoire triste mais si joliment écrite
RépondreSupprimerDouce journée ELENA
Bisous
timilo
tres belle histoire, tres difficile pour un "etranger" de s'integrer dans un pays nouveau ! certains reussissent, mais il faut bien admettre que nous ne sommes pas tres accueillants en général ! difficile pour certains d'admettre la difference ! bon sejour dans votre campagne, bonne santé amities et bises
RépondreSupprimerun bien joli texte, j'aime ta manière d'écrire. non je me suis inspirée de plusieurs photos de lac des Pyrénées. hier premieres pluies depuis juin, les sols ont absorbé comme une éponge. bon week-end. bises . celine
RépondreSupprimerUn très joli récit très proche malheureusement de la réalité de tous ceux qui viennent d'ailleurs. Merci pour ce partage et bonne journée
RépondreSupprimerje te souhaite une douce soirée ce samedi est super beau comme un jour d'été ...
RépondreSupprimerdemain je passerais aussi en soirée
gros bisous et a demain
mon coucou tardif ,
RépondreSupprimercomme prévu j'ai passé la journée au jardin botanique , vous verrez bientôt les photos , comme c'était sous la pluie
je suis restée dans les serres avec les plantes tropicales bien au chaud
et juste photographiés les fruits d'automne qui commencent dans une des allées ....
la semaine qui arrive il devrait faire beau, même chaud ...on verra
bisous et douce fin de we
a demain