ARDAY
En rencontrant
Armande, je lui demande de me raconter ses souvenirs de jeunesse. On
se connaît depuis un certain temps, depuis que nous avons construit
dans la région. Jamais Armande n’a dépassé la petite ville,
située à 20 km de son village et encore depuis peu, quand son mari
eut une voiture. Il a fallu qu’il en achète une , les commerçants
ne passent plus dans le village, juste le boulanger. Nous n’avions
pas grand chose – dit Armande – mais nous étions heureux ! Vous
comprenez- continue Armande- dans le temps il y avait l’amitié,
nous nous retrouvions pour les veillées et là tout le monde
s’amusait , plus comme maintenant où la télé a remplacé les
veillées. Un regard triste me fixa puis elle continua – Oui, à
l’époque, nous faisions tout en commun, on se retrouvait dans les
champs tous ensemble, le midi nous mangions ensemble, ensuite nous
faisions la sieste. Nous gardions les enfants des autres pas comme
maintenant. Elle sourit et me dit – le mardi était mon jour
préféré, nous allions au lavoir du bas et toutes les femmes
étaient rassemblées pour la lessive. Le plus dur était la côte,
chez nous c’est vallonné, puis les escaliers que vous voyez mais
ensuite on passait la matinée à rire tout en lavant, il ne faut pas
croire le travail ne manquait pas à l’époque et on ne s’ennuyait
jamais. Il y avait Yvette qui ne pouvait presque plus marcher et ne
faisait plus rien chez elle, sa belle fille avait pris le relais mais
elle n’aurait pas manqué de venir au lavoir le mardi jusqu’à sa
mort elle s’est traînée avec son linge, à la fin elle prenait
peu de linge mais montait les marches avec l’aide de sa fille.
Armande souriait à ses souvenirs, je la voyais heureuse.
A notre
prochaine rencontre je demandai à Armande comment elle connut son
mari. Elle rosit puis accepta d’en parler – Nous allions tous
ensemble à l’école, plutôt par groupes d’âge et jean était
dans mon groupe l’année du certificat, il faut dire que nous
avions trente minutes aller et autant pour le retour. Puis plus tars
il y a eu une fête au village et bien sûr tous les jeunes y
étaient, à l’époque c’était notre façon de nous amuser. Nous
avons dansé avec Jean, ensuite un an de fiançailles, puis le
mariage. Je me souviens j’avais la robe de mariée de ma mère et
c’est bien la seule fois où je me sentis si belle ! Armande rougit
en me voyant, elle m’avait oublié un instant puis elle se reprit –
A l’époque nous étions habillées toujours avec des blouses, il
y avait toujours du travail et la robe on la mettait pour l’église
: enterrement, mariage, fête… Ce n’était pas fréquent, alors
quand nous étions en robe nous nous sentions belles même les plus
moches.
En rentrant dans
la maison Raymonde me dit – Vous voyez les murs, c’est moi qui
avait tout peint, et parfois je passais aussi les autres murs à la
chaux. La cheminée était toujours allumée et nous avions toujours
de l’ eau chaude hiver comme été, le café coulait à flots,
surtout pour les femmes, les hommes préféraient le vin. Cette
chambre était celle de ma belle-mère, elle m’en a fait voir, à
l’époque on ne disait rien il fallait subir fit Armande tristement
puis en riant elle me montre le grenier – Là c’était la chambre
du valet, il avait les pieds qui dépassaient du lit, et avait à
peine la place pour mettre ses affaires mais c’était mieux que
l’écurie. Certains dormaient à l’écurie avec les vaches. Un
jour la mère Paulette est allée uriner dans l ‘écurie et elle se
mit à crier, le valet dormait là-bas et bougea en la voyant entrer,
c’est qu’à l’époque certaines faisaient leur besoin debout et
on trouvait ça naturel, on ne faisait pas de chichis comme
maintenant. Je me retenais pour ne rien montrer sur mon visage.
Armande, vous ne préférez pas le progrès, vous avez plus de temps
libre aujourd’hui ? Elle me regarde, réfléchit et répond –
Non, aujourd’hui je me sens inutile, il n’y a plus la famille
comme avant, c’est chacun pour soi . Avant je voyais une voisine et
on pouvait parler dix minutes ensemble, aujourd’hui elles sont
toutes pressées et ne savent plus
prendre le temps.
C’est ce que je cherchais, on prenait le temps même si on avait
beaucoup de travail, plus maintenant et la telé n’a rien arrangé.
Je ne suis pas
malheureuse continua Armande mais ce n’est plus pareil, je penserai
toujours à cette époque où mardi gras on se déguisait et on
allait voir les voisins, faire peur aux petiots. Les bonbons qu’on
recevait à Noël on les appréciait, aujourd’hui les enfants sont
à peine contents de leurs cadeaux, il leur faut toujours plus. Je
vois mes petits-enfants, ils sont trop gâtés et ne profitent pas de
l’enfance, alors que nous , sans jouets nous savions jouer, avec un
bout de tuile comme craie pour écrire, un chiffon pour faire une
poupée, il ne fallait rien pour s ‘amuser. J’écoutai Armande
parler et je pensai qu’après tout elle a sûrement été plus
heureuse qu’elle ne l’est dans notre monde moderne. Je n’avais
pas envie de vivre son époque, la mienne me convenait parfaitement,
cela ne m’empêchait pas de la plaindre un peu et ma sympathie
allait vers elle.
Elena
bonjour
RépondreSupprimernous aussi on se dit qu'avec un rien on jouait, on lisait plus aussi car il n'y avait pas autant de télé, mais bon je crois que c'est l'évolution il faut faire avec, les jeunes aussi, plus tard parleront avec nostalgie de leur époque.
bisous
Cette époque qui dans nos souvenirs semblait si belle est malheureusement évolue .
RépondreSupprimerMaintenant c'est le chacun pour soi, on oublie le mot fraternité.
Jolis souvenirs
Bon et doux WEEKEND ELENA
Bisous
timilo
Superbe récit, j'ai l'impression d'entendre parler ma grand-mère que j'adorais et c'est avec sa voix dans ma tête que j'ai lu ton récit : elle aurait pu faire exactement le même !
RépondreSupprimerJe ne sais pas s'ils étaient plus heureux qu'on ne l'est maintenant, c'était une autre vie, c'est tout ...
Bon week end, qui ne le sera pas pour moi (bon) ...
Mauvaise nouvelle du docteur : ma thyroïde a été abimée par la radiothérapie.
Bisoux, ma LNA ♥
Quand on commence à ne plus être heureux dans l'époque où on vit c'est qu'on a vraiment vieilli...Tous les anciens ont toujours dit c'était mieux avant...mais est-ce que la guerre c'était mieux ? est-ce que la condition des femmes était mieux ? Enfin je réfléchis beaucoup à tout ça et c'est vrai qu'on jouait avec trois fois rien mais on peut encore élever les enfants sans tout leur donner, à chaque instant les parents ont le choix d'expliquer...Tout était différent et cela le deviendra aussi pour eux...bises et un doux we
RépondreSupprimeroui j'ai bien connu ça à travers les recits de ma grand mère ou de mes parents, j'ai moi meme connu la periode d'avant guerre, completement differente de celle de maintenant, étaient ils plus heureux ? etions nous plus heureux que maintenant, je ne le pense pas, c'est une autre vie, ma jeunesse sous l'occupation, n'était pas la jeunesse, je n'ai pas eu de jeunesse, je ne regrette donc rien, c'est cent fois mieux maintenant, malgré les outrances de la vie moderne, il est magnifique ton récit chere Ln, et donne à reflechir, bon weekend et grosses bises
RépondreSupprimerje trouve cette époque plus saine biz ELENA
RépondreSupprimerune autre époque, une autre façon de voir la vie, c'est vrai que sur certains points ont peu dire c'était mieux avant et pour d'autres ce n'est pas le cas, tout ne peut être parfait. bises.celine
RépondreSupprimerEh oui ! nous savions jouer et un rien nous faisait plaisir …
RépondreSupprimerbelle journée Elena
bisous