vendredi 28 juin 2013

LE NOIR


Au village il y avait un événement de taille, il faisait jaser depuis un mois. Figurez-vous que le père Foussais avait trouvé un nouveau locataire pour sa vieille maison, celui-là n’était pas comme tous les autres qui défilaient, il était noir !
Le père Foussais n’arrivait pas à vendre sa maison, il en demandait de trop, il avait résolu le problème en demandant un petit loyer conjugué de gros travaux à exécuter. Beaucoup passaient, restaient quelques mois, las ils repartaient. Cette fois le père Foussais avait dit :
-         Celui-là il va rester, il va même acheter la maison, je vous le dis !
Il y avait les sceptiques qui disaient :
-         C’est pas parce qu’il est noir qu’il travaillera mieux, je voudrais bien voir ça !
Les discussions allaient bon train, petit à petit la doyenne du village réussit à avoir une liste de renseignements sur le futur locataire, elle alla trouver Marie et lui dit :
-         Tu savais, toi, que le noir avait une femme blanche et un enfant ?
-         Non, et toi d’où le sais-tu ?
-         Je peux pas le dire, tu verras il ne restera pas longtemps, j’aime autant je n’ai jamais vu de noir, je crois bien que j’aurai peur !
-         Dame s’il est trop noir je ne lui vendrai pas mes œufs tellement j’aurai peur renchérit Marie.
Le grand jour arriva, les nouveaux locataires arrivèrent, Francis était un homme noir d’origine africaine,  sa femme était blanche et l’enfant d’un joli métissage : il ressemblait à un ange.
Les arrivants dirent bonjour aux voisins tassés pas loin d’eux et se mirent à tout ranger, ils avaient du travail et n’avaient pas le temps d’écouter ce qui se disait.
Marie parlait à la doyenne :
-         Boudiou, j’aurai jamais cru qu’on puisse être aussi noir, c’est bien la première fois que je vois ça ! J’aurai peur de passer devant.
-         Moi de même, sa femme n’a pas peur du noir avec lui, répondit la doyenne.
Les cancans faisaient le tour du village, il faut avouer que certains n’étaient pas du tout du même avis, ils étaient même allés rendre visite aux nouveaux arrivants, leur proposant de l’aide. L’enfant jouait dans la cour, son sourire éclairait son joli petit visage, les gens ne pouvaient s’empêcher de lui sourire, dire un mot gentil. L’enfant charma le village y compris les mauvaises langues, la femme travaillait beaucoup dans la maison pour l’arranger et le week-end le couple travaillait à deux.
Au bout d’un mois ou un peu plus, Francis invita le village pour fêter la fin du gros des travaux, il faisait un barbecue dans le jardin.
De nouveau les langues se délièrent, la question était vitale « Faut-il aller chez le noir ?» Certains l’appelaient encore comme ça ! Le dimanche arriva et les 2/3 du village fut rassemblé chez les nouveaux locataires, la curiosité de voir la maison rénovée joua beaucoup dans la décision. Francis avait un caractère jovial, il était aussi très serviable,  à la fin de la soirée il avait promis d’aider deux paysans. Le village l’accepta, même Marie vendit ses œufs à sa femme, elle aimait voir l’enfant et le gâtait.
Un an passa, un jour Francis annonça qu’il partait pour un autre village à 50 km de là, il allait acheter une maison à retaper, cela lui reviendrait moins cher. Les gens s’affolèrent :
-         Qui c’est qui va venir à votre place ?
-         Massias et sa famille répondit Francis.
Le choc fut dur, pendant ce mois on ne parla plus que de Massias. Il faut dire qu’il vivait avec sa nièce, le curé n’a pas voulu les marier, le maire a refusé, ils ont deux enfants, les gens disaient : « C’est y pas malheureux ! »
La doyenne alla voir le père Foussais et lui dit très en colère :
-         Père Foussais, pourquoi donc vous ne baissez pas le prix à Francis au lieu de louer à un mécréant ?
-         Faut savoir ce vous voulez la mère, vous « n’avions » pas voulu du noir et maintenant vous refusez un blanc ? je ne connais pas de jaune répondit le père Foussais en riant. Vexée la doyenne ne répondit pas.
Francis invita le village pour faire ses adieux, tout le village fut réuni, certains étaient émus par le départ, il promit de revenir régulièrement une ou deux fois l’an.
Il y eut de la peine après le départ, la doyenne dit à Marie :
-         Je savais bien que les noirs étaient comme nous !
-         Même mieux que certains, pour sûr répondit Marie.
Francis revint régulièrement, il rendit service à plusieurs agriculteurs, les gens l’invitaient avec un plaisir immense. A sa dernière visite, il annonça une nouvelle grossesse pour sa femme, il dit :
-         Je vous inviterai à venir chez moi quand le petit naîtra.
-         Je viendrai avec vous, je n’ai pas d’auto dit Marie. La doyenne demanda la même chose, Francis sourit et leur dit :
-         Vous n’avez plus peur de moi maintenant, vous ne pensez plus que je suis cannibale ? Il riait en disant ça et ses yeux pétillaient de malice.
Les deux femmes ne se sentaient plus si à l’aise que ça, elles ne savaient plus quoi dire. La doyenne répondit fermement :
-         Dame, quand on ne connaît pas, on ne sait pas, maintenant nous vous connaissons.
Ainsi continua l’amitié de Francis avec le village, la vie reprit avec des nouveaux cancans à propos des nouveaux locataires.
Elena





17 commentaires:

  1. Bonjour Elena. Il y aura toujours des préjugés. Effectivement, c'est chaque fois l'ignorance qui en est la source. Bon week-end à toi. Tibicine

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  2. ah le racisme n'a pas fini de faire des ravages..."Dame, quand on ne connaît pas, on ne sait pas"...cette phrase résume tout! merci chere Ln pour ce beau texte, bonne fin de semaine, bisous

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  3. bonjour elena ... le racisme est né de la peur de l'autre, peut-être plus que d'un désir réel de suprématie ... et il a la dent dure .. heureusement, petit à petit, justement grâce aux voyages, les gens commencent à voir "au delà des apparences" ... enfin je l'espère en tout cas ... gros bisous bonne journée

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  4. Un coucou dès poltron-minet sous le soleil gros bisous bon week-end

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  5. Bonjour Elena,
    Le racisme est une bête immonde qui n'est malheureusement pas prêt de s'éteindre.Ton récit est magnifique mettant en valeur la bêtise humaine, bien que Francis sachant se faire apprécier a retourné la situation.
    Très belle journée à toi.
    Bisous.
    Prima

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  6. ha le premier étranger du village c'est souvent l sujet de conversation pendant un moment! bisous du jour

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  7. il était noir charbon
    le village descendant de néandertalien roux
    la femme s'habillait de noir
    et lui en blanc
    Savez-vous pourquoi ?
    Afin de se reconnaître les soirs d'automne
    Qt au bébé, sa peau entre le café olé, et le caramel au miel blond
    le village se sentant des instincts anthropophages
    le Bouffa ....
    .... de baizers !

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  8. Bonjour ma douce Eléna
    J'ai adoré ton récit, par un racisme épouvantable , on peut souvent perdre une belle amitié
    Bonne journée ma douce
    Gros bisous
    Méline

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  9. voilà ce que les préjugés et la mentalité donnent comme bêtise humaine....bel écrit.......bisesssssssssss
    claude

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  10. salut
    un très beau récit
    que l'on soit noir , blanc ou jaune la méchanceté ne vient pas de la couleur de la peau
    bonne jounée

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  11. merci de l'avoir partagé avec nous
    très très bon weekend et douce soirée
    gros bisous

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  12. Un texte plein d'enseignement... en fait le racisme est le réflexe de l'ignorance.. et source de bien des injustices.. heureusement le métissage va nous aider à faire reculer cet a priori imbécile.
    Ton texte comme d'habitude est fort bien écrit. Merci Elena.
    Bisous

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  13. Bonsoir ma douce Eléna
    Un petit coucou pour te souhaiter une bonne soirée
    Gros bisous
    Méline

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  14. trés beau texte*
    bonne journée
    je voulais te mettre une photo de Maeva;mais je ne peu pas,je la mettrai sur mon blog demain

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  15. Tu sembles toujours inspirée et ton fond de blog est vraiment sympa, on dirait chez moi!

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  16. le cannibale n'a pas croqué tout le village ? étonnant ! Bizzz du dimanche

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  17. Les préjugés sont toujours néfasres et, en l'occurrence, créateurs de malentendus racistes. Est venu un jour dans mon immeuble un Marocain, sa femme et ses dex filles. Comme dans ton histoire, ce fut d'abord de la méfiance et puis vint l'admission chaleureuse : il était super sympa. A plus. Florentin.

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