J’ai
préféré donner le nom qu’on me donnait en russe, prénom ukrainien plutôt que de
parler à la première personne cela m’était plus facile.
Elle se savait différente des autres enfants,
elle jouait un double rôle et cela ne lui plaisait pas toujours mais comment
faire autrement ?
A onze ans, Alyona était une grande fille
blonde, le midi elle s'achetait à manger, son père ne rentrait que le soir. Le
repas expédié, elle préférait jouer avec ses copains, elle avait peu d'amies,
les copains lui suffisaient. Ensemble ils font du patin à roulettes, de la
trottinette, ils jouent aux billes ou aux petites voitures et Alyona se sent
heureuse avec eux. Il y a une balançoire dans la courette et ils en font à tour
de rôle.
Le soir son père rentre du travail et Alyona
redevient une fille bien élevée, elle ne dit plus de gros mots, elle
s'intéresse à Tchekhov, Pouchkine mais aussi Maupassant ou Victor Hugo en
passant par les BD. Elle a l'impression de vivre comme au temps où son père
était jeune et riche; malgré elle. Elle se conduit de la même façon, elle
prend les manières des fillettes du début du XXe siècle, tout l'intéresse sur
cette époque qu'elle n'a pas connu, elle oublie ses copains, le reste du monde,
elle vit avec son père, les souvenirs de son père, les livres et le passé.
Si Alyona a beaucoup de connaissances en russe,
ses notes à l'école laissent à désirer. Son institutrice ne l'aime pas, elle ne
la comprend pas, la trouve fière et se venge comme elle peut. Après plusieurs
vexations, Alyona se renferme et finit par ne plus jouer en récréation, elle
attend la sonnette pour aller jouer avec les garçons de la rue, tous ont des
problèmes mais ils l'ont accepté, avec eux ,elle est bien.
Son père ne comprend pas pourquoi cette année
les notes ont tant baissé, il lui dit " pourquoi tu ne me demandes pas de
t'aider, l'an dernier tu travaillais bien pourtant ?" Oui, pense
Alyona, mais l'an dernier elle était dans une école privée et la maîtresse
l'aimait bien c'était l'amie de grand-mère, depuis on a déménagé dans ce
sous-sol, et j'ai changé d'école.
Jeudi matin, Alyona se lève plus tard, elle
court dans la cuisine, son père lui laisse une illustration comique avec des
vers l'accompagnant, c'est le meilleur moment de la journée, puis elle se prépare
et court jouer avec ses copains, elle essaie de trouver une heure pour ses
devoirs, elle a promis et une promesse doit être tenue.
Ce soir-là M. et ses 2 filles devaient venir à
la maison, Alyona les admiraient, elles étaient bien habillées, pas comme
elle ; étudiaient bien et son père en disait beaucoup de bien. A leur
entrée elle sentit le mépris des filles, leur appartement était somptueux par
rapport à leurs 2 pièces dans un sous-sol , la gène d’Alyona devant les
autres filles, mieux loties, devenait paralysante. Elle leur montra ses
derniers livres mais elles les avaient déjà lus puis les soeurs parlèrent
ensemble oubliant sa présence, elle y était habituée malgré la douleur
qui montait.
Après le départ son père lui fit remarquer que
les fillettes étaient très bien élevées, il était si content qu'elle ne lui dit
pas qu'elle ne voulait plus les voir chez eux.
Ses sentiments lui faisaient honte, elle ne se
sentait pas comme les autres pas plus parmi ses copains, ignorants tout de ses
origines que parmi la famille ou amis de la même origine vivant autrement, le
tout en fit une fillette solitaire plongée dans les livres, ne mangeant plus le
midi.
Ainsi la médecine scolaire décerna une anomalie,
après des examens, Alyona apprit qu' elle avait un voile aux poumons et
partirait au préventorium. Son père lui parla d'un mois ou deux mais ça dura un
an.
Au retour Alyona se sentit beaucoup plus
française, elle n'éprouva plus le besoin de revoir ses anciens copains et fut
presque contente de partir en pension.
Elle resta longtemps assise entre deux chaises,
le jour où Alyona alla en Russie, on fêta la Parisienne, et là elle comprit à
quel point elle se sentait française.
Elena 2016
...tres beaux ces souvenirs, comme tu parles bien de toi ! ça n'a surement pas toujours été facile , j'adore ta conclusion, j'espère que vous allez bien tous les deux , bonne fin de semaine, amitiés et bises
RépondreSupprimerUn modèle d'insertion ...
RépondreSupprimerJ'ai aimé ton histoire si vraie
Douce journée ELENA
Bisous
timilo
Bonjour Elena,
RépondreSupprimerC'est si bien raconté.
Bonne fin de semaine et bon week-end
Bisous
ma grand-mère est devenue très "belge" mais la Russie reste comme une ombre sur elle, moi j'ai pas appris le Russe je me sens donc belge mais surtout citoyenne du monde ... mon coeur étant au Venezuela ...:)
RépondreSupprimergros bisous et douce journée
ici ciel gris et froid ce matin .... journée chargée pour moi :)
cette fois je le sens le coup de vieux lolll
a demain
un superbe récit, Elena, qui donne à réfléchir;
RépondreSupprimerbelle journée,
Récit poignant qui prend aux tripes des sentiments, que c'est complexe une âme humaine féminine ai-je dit ds un conseil ge classe, une m'a repris : et aussi d'un garçon ! le mépris peut mm tuer ! tu as du talent Hélène et j'aime te lire .
RépondreSupprimerEt tu dois être toi-mm de grande sensibilité, mais retenue et pudique! Mercy d'écrire...
bonjour, c'est dur en plus sans présence féminine à la maison, malgré ce repère en moins, une fillette pleine de volonté, de caractère !!
RépondreSupprimerL'accoutumance à votre nouveau pays ne semble pas avoir été facile ; vous avez su y faire face et c'est tout à votre honneur. Vous n'oublierez jamais votre pays d'origine, mais vous avez une deuxième patrie et je pense que cela peut être pour vous une certaine forme de richesse.
RépondreSupprimerMerci pour le partage de cette tranche de ta vie.
RépondreSupprimerCe ne doit pas être facile d'avoir deux nationalités ...
Bon week end, à la recherche du soleil ...
Bisoux, elena
dom
Pas évident d'être ainsi entre deux cultures !
RépondreSupprimerLe ressenti des enfants est très marquant.
Bon week-end
Bon dimanche, en famille ... ou pas ...
RépondreSupprimerBisoux, elena
dom
déjà qu'en temps ordinaire les enfants ont plusieurs vies - celle chez les parents - celle chez la nounou - celle à l'école .... mais si on rajoute celle de la culture différente.... ça peut être assez perturbant pour trouver son vrai "Soi" !
RépondreSupprimerBon début de semaine, en espérant que le soleil reste présent.
RépondreSupprimerBisoux, elena
dom
Une tranche de vie entre ténèbres et lumière, si bien racontée...merci Elena
RépondreSupprimerBon début de semaine
bises