vendredi 26 avril 2019

ARDAY
En rencontrant Armande, je lui demande de me raconter ses souvenirs de jeunesse. On se connaît depuis un certain temps, depuis que nous avons construit dans la région.
Jamais Armande n’a dépassé la petite ville, située à 20 km de son village et encore depuis peu, quand son mari eut une voiture. Il a fallu qu’il en achète une, les commerçants ne passent plus dans le village, juste le boulanger.
Nous n’avions pas grand chose – dit Armande – mais nous étions heureux ! Vous comprenez- continue Armande- dans le temps il y avait l’amitié, nous nous retrouvions pour les veillées et là tout le monde s’amusait, plus comme maintenant où la télé a remplacé les veillées. Un regard triste me fixa puis elle continua – Oui, à l’époque, nous faisions tout en commun, on se retrouvait dans les champs tous ensemble, le midi nous mangions ensemble, ensuite nous faisions la sieste. Nous gardions les enfants des autres pas comme maintenant. Elle sourit et me dit – le mardi était mon jour préféré, nous allions au lavoir du bas et toutes les femmes étaient rassemblées pour la lessive. Le plus dur était la côte, chez nous c’est vallonné, puis les escaliers que vous voyez mais ensuite on passait la matinée à rire tout en lavant, il ne faut pas croire le travail ne manquait pas à l’époque et on ne s’ennuyait jamais. Il y avait Yvette qui ne pouvait presque plus marcher et ne faisait plus rien chez elle, sa belle fille avait pris le relais mais elle n’aurait pas manqué de venir au lavoir le mardi jusqu’à sa mort elle s’est traînée avec son linge, à la fin elle prenait peu de linge mais montait les marches avec l’aide de sa fille.
Armande souriait à ses souvenirs, je la voyais heureuse.

A notre prochaine rencontre je demandai à Armande comment elle connut son mari. Elle rosit puis accepta d’en parler – Nous allions tous ensemble à l’école, plutôt par groupes d’âge et jean était dans mon groupe l’année du certificat, il faut dire que nous avions trente minutes aller et autant pour le retour. Puis plus tard il y a eu une fête au village et bien sûr tous les jeunes y étaient, à l’époque c’était notre façon de nous amuser.
Nous avons dansé avec Jean, ensuite un an de fiançailles, puis le mariage. Je me souviens j’avais la robe de mariée de ma mère et c’est bien la seule fois où je me sentis si belle ! Armande rougit en me voyant, elle m’avait oublié un instant puis elle se reprit – A l’époque nous étions habillées toujours avec des blouses, il y avait toujours du travail et la robe on la mettait pour l’église : enterrement, mariage, fête… Ce n’était pas fréquent, alors quand nous étions en robe nous nous sentions belles même les plus moches.

En rentrant dans la maison Armande me dit – Vous voyez les murs, c’est moi qui avait tout peint, et parfois je passais aussi les autres murs à la chaux. La cheminée était toujours allumée et nous avions toujours de l’ eau chaude hiver comme été, le café coulait à flots, surtout pour les femmes, les hommes préféraient le vin.
Cette chambre était celle de ma belle-mère, elle m’en a fait voir, à l’époque on ne disait rien il fallait subir fit Armande tristement puis en riant elle me montre le grenier – Là c’était la chambre du valet, il avait les pieds qui dépassaient du lit, et avait à peine la place pour mettre ses affaires mais c’était mieux que l’écurie. Certains dormaient à l’écurie avec les vaches. Un jour la mère Paulette est allée uriner dans l ‘écurie et elle se mit à crier, le valet dormait là-bas et bougea en la voyant entrer, c’est qu’à l’époque certaines faisaient leur besoin debout et on trouvait ça naturel, on ne faisait pas de chichis comme maintenant. Je me retenais pour ne rien montrer sur mon visage.
Armande, vous ne préférez pas le progrès, vous avez plus de temps libre aujourd’hui ?
Elle me regarde, réfléchit et répond – Non, aujourd’hui je me sens inutile, il n’y a plus la famille comme avant, c’est chacun pour soi . Avant je voyais une voisine et on pouvait parler dix minutes ensemble, aujourd’hui elles sont toutes pressées et ne savent plus prendre le temps. C’est ce que je cherchais, on prenait le temps même si on avait beaucoup de travail, plus maintenant et la telé n’a rien arrangé.
Je ne suis pas malheureuse continua Armande mais ce n’est plus pareil, je penserai toujours à cette époque où mardi gras on se déguisait et on allait voir les voisins, faire peur aux petiots. Les bonbons qu’on recevait à Noël on les appréciait, aujourd’hui les enfants sont à peine contents de leurs cadeaux, il leur faut toujours plus.
Je vois mes petits-enfants, ils sont trop gâtés et ne profitent pas de l’enfance, alors que nous, sans jouets nous savions jouer, avec un bout de tuile comme craie pour écrire, un chiffon pour faire une poupée, il ne fallait rien pour s ‘amuser.
J’écoutai Armande parler et je pensai qu’après tout elle a sûrement été plus heureuse qu’elle ne l’est dans notre monde moderne. Je n’avais pas envie de vivre son époque, la mienne me convenait parfaitement, cela ne m’empêchait pas de la plaindre un peu et ma sympathie allait vers elle.

Elena

5 commentaires:

  1. Salut
    On avait la même ambiance dans les mines.
    J'aimais bien parce que maintenant les voisins te regardent autrement.
    Bonne journée

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  2. Il me semble entendre ma mémé chérie me raconter sa jeunesse ...
    Hé oui, à l'époque, on avait des mémés et des pépés, les mamies et les papis sont venus plus tard ...
    Je pense que ce sont nos grands-parents qui ont le plus connu cette différence entre les deux mondes.
    Celui des lavoirs et des machines à laver !
    L'arrivée de la télé dans tous les foyers, dans les années 60 a tout changé.
    J'ai, moi-même, connu l'avant télé ...
    Est-ce mieux, est-ce pire ??? J'apprécie le confort du monde moderne.

    "" Bon week end bien gris.
    Saloperie de gastro, veut pas passer, la bougresse !
    Gros bisoux. ""

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  3. Un temps pas si éloigné que ça mais que j'aimais bien ...
    Joliment décrit
    Bon et doux dimanche ELENA
    Bisous
    timilo

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  4. etait ce mieux, ou pas ? j'ai connu l'avant guerre, je vivais heureux avec mes parents, ils étaient heureux je pense, mais manquaient de beaucoup de choses, une jeunesse sous l'occupation, rien de drole, j'aime franchement mieux vivre maintenant, et voir mes enfants et petits enfants heureux malgré les deuils et les duretés de la vie actuelle ...bon weekend chere Ln, bisous

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  5. on manquait en effet de bcp mais grd-maman disait qu'elle avait préféré au progrès lol biz ELENA

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