Pacha vint réveiller sa
maîtresse, un homme attendant dans le salon. Eugénie regarda la pendule, il
était une heure du matin ! Michel n’était plus dans le lit, inquiète, elle descendit au salon. Elle le vit discuter
avec son bras droit, elle dit bonjour,
son mari lui fit signe de s’asseoir.
-
Vladimir
Ivanovitch a eu vent que demain je serai arrêté sous de faux prétextes, il faut
partir cette nuit.
-
Mais tu es
gouverneur, on ne peut pas t’arrêter !
-
Ne perdons pas
de temps, va préparer les garçons répondit Michel.
Eugénie courut réveiller la nounou des garçons, Michel la suivit, ils
demandèrent des vêtements à leurs domestiques, Pacha cousit les bijoux et
l’argent dans l’ourlet des robes et le costume de son maître, elle dit
affolée :
-
Vous ne pouvez
pas partir ainsi Barinya, on vous reconnaîtra !
-
Que
conseilles-tu demanda Michel ?
-
Barine, il faut
vous frotter les mains avec de la terre, cacher les cheveux sous un bonnet de
paysan et parler comme eux, un foulard pour la barinya.
Michel se gratta la tête, « cela
n’était pas si simple » Il regarda ses fils : Georges et Wladimir,
ils avaient sept ans et demi et neuf ans, il leur expliqua qu’ils devaient
rester sales et se taire à l’extérieur :
-
Des méchants nous
recherchent et nous ne devons plus donner notre nom de famille mais nous
appeler Voltinsky, c’est important, mes fils je compte sur vous !
Les enfants regardaient les parents un peu
effarés, ils avaient été préservés de tous souci jusqu’ici, l’aîné décida de le
prendre comme un jeu, il dit en souriant :
-
Je suis Georges
Votinsky et mon père est vendeur !
-
Non, reprit
Michel, artisan !
Ils finirent par être prêts, Eugénie
regarda le domaine qui s’étendait à perte de vue, elle se demandait combien de
temps elle devrait le quitter, Michel lui serra le bras gentiment, ses idées
avaient rejoint les siennes.
Elle se souvint brusquement d’Alexis,
comment pourra-t-il les retrouver ? Elle ne savait même pas où il se
trouvait exactement ! Lyola, comme elle l’appelait, était son fils aîné,
il avait vingt deux ans. Son père mourut quand il avait cinq ans, depuis, il
vivait avec sa mère. Vint le beau-père et les petits frères, ce fut assez dur
de l’accepter, il en souffrit mais elle ne pouvait pas l’aider. Aujourd’hui, il
était lieutenant du tsar et donnait rarement de ses nouvelles à cause de la
guerre et la révolution. Michel devina ses pensées, il lui dit :
-
Ne t’inquiète
pas, il nous retrouvera, il n’y a pas énormément de gens s’appelant V… W… en
Europe ! Elle sourit et se sentit rassurée.
La famille partit dans une charrette tirée
par deux chevaux, Vania, le cocher les emmena jusqu’à la sortie du
domaine. Ils prirent leurs balluchons et
marchèrent durant trois heures, les enfants n’en pouvaient plus. Michel leur
fit remarquer qu’ils pouvaient rester sur la route et les bolcheviks les
prendraient. Cette menace les fit avancer, le mot « bolchevik » était
pire qu’un sorcier et ils avaient peur d’eux.
Eugénie lui dit en allemand :
-
Tu es dur avec
les garçons ;
-
Je n’ai pas le
choix, je ne peux pas les porter en plus des balluchons.
Il avait raison, elle soupira et se tut.
Vers cinq heures du matin, ils s’arrêtèrent dans une clairière et mangèrent un
peu. Michel expliqua :
-
Nous allons
prendre le train, les enfants si on vous questionne donnez votre faux nom et
surtout parlez le moins possible ou comme les enfants des domestiques.
-
Oui, papa
firent-ils en cœur !
Michel avait un plan, il voulait rejoindre
leur cousin en Pologne, pour l’instant elle n’était pas touchée mais il devait
y aller indirectement.
Dans le train Eugénie ressemblait aux
femmes des moujiks avec son foulard et la terre sur la figure et les mains,
elle évitait de parler de peur de se couper, ne sachant pas imiter ses
servantes. Michel avait le don d’observation, il savait imiter son cocher et ne
craignait pas de se faire avoir. Qui aurait cru que le descendant direct de
Pouchkine, voyageait habillé comme un moujik ?
A mi-chemin ils descendirent et marchèrent
de nuit, le jour ils dormaient dans des auberges crasseuses, ainsi ils
passaient incognito.
Enfin, Michel annonça que le lendemain ils
prendraient le train qui mène en Pologne et s’arrêteraient chez leurs cousins
Boussia à Byalistok.
-
Que diras-tu à
la douane demande Eugénie inquiète ?
-
Je dirai que je
viens travailler chez eux comme cocher !
Ils avaient le cœur battant en franchissant
la douane, mais voyant leur mine le douanier crut à l’histoire du cocher et les
laissa passer.
Aucune calèche ne voulut les prendre,
tellement ils étaient sales, mais ils arrivèrent à destination après deux
heures de marche.
La domestique faillit leur refermer la
porte au nez, Michel dut insister pour qu’elle aille annoncer les V…
En les voyant Macha fronça les
sourcils :
-
Je vous verrai
après votre bain, ce ne sera pas du luxe et elle appela sa servante.
-
Sonia va
préparer les bains pour tout ce petit monde.
Après leur bain, la famille se retrouva
avec Pierre et Macha devant un bon repas, cela faisait plus d’un mois qu’ils
n’avaient pas mangé à leur faim.
Pierre leur proposa l’hospitalité le temps
nécessaire. La famille sourit, ils avaient vraiment besoin de repos, cette
hospitalité n’était pas du luxe !
La famille Boussia avait un fils de dix
ans, il s’appelait Vitia et s’entendait très bien avec les deux garçons. Ils se
voyaient souvent l’été en Crimée, ils venaient dans leur domaine passer un mois
environ, aujourd’hui c’était le contraire.
Au bout de trois semaines, Pierre arriva
essoufflé et prenant Michel à part lui dit :
-
Il faut que vous
partiez demain, il y a eu des indiscrétions et vous n’êtes plus tranquilles
chez nous.
-
Merci pour tout,
je vais me préparer répondit Michel soucieux.
-
Où
irez-vous ?
-
En Allemagne,
c’est le seul pays où l’on parle bien leur langue sans se faire
remarquer !
Michel prévint sa femme et les enfants, ils
préparèrent à nouveau leurs affaires. Cette fois-ci ils pouvaient porter des
vêtements propres, ils diraient qu’ils étaient représentants de machines
agricoles pour le compte de Boussia. Macha leur donna des provisions et ils se
quittèrent tristement, Eugénie lui dit en partant :
-
Si Alexis passe
n’oublie pas de lui dire que nous sommes en Allemagne !
-
Ne t’inquiète
pas répondit sa cousine la larme à l’œil.
Il était temps de reprendre le chemin,
heureusement qu’ils pouvaient prendre le train sans trop de risques, fini les
longues marches.
Michel écourta les adieux, ils partirent
vers la gare, le cocher les y conduisit. Ils devaient changer une fois puis
aller directement à Berlin, il y avait un risque mais Michel estimait qu’il
fallait essayer de le prendre.
Dans le train, ils parlèrent peu pour ne
pas se faire remarquer, les enfants dormirent un peu, la tête appuyée sur leur
mère. Les garçons parlaient mal l’allemand mais mieux que le français. On
annonça la station de Berlin, en tant qu’étrangers on leur demanda leurs
papiers et la raison de leur venue, Michel dit qu’il était représentant.
Ils purent entrer sans problèmes !
(suite)
temps difficiles...passionnante cette histoire, merci de nous la relater chere Ln, nous attendons la suite ...bonne journee et de grosses bises
RépondreSupprimerTu aurais pu écrire un livre...attendons demain pour la suite..
RépondreSupprimerBisous et belle journée Elena !
fontaine
l'exil
RépondreSupprimerest la mm horrible chose pour un noble
et un moujik, l'exil est partout la perte du royaume
et le pire de ces départs c'est
qd on quitte définitivement sans espoir,
son pays, sa langue
je hais l'exil !!!!
j avais adoré le docteur jivago belle ambiance de film! bne journee bizous
RépondreSupprimerbonjour elena ... une histoire mouvementée et pleine d'émotions ..; comme çà doit être dur de fuir son pays en abandonnant tout derrière soi, sa famille, son passé ... J'espère que le fils ainé a retrouvé la famille ??
RépondreSupprimergros bisous et bonne journée
Un exil mouvementé et douloureux !
RépondreSupprimerc'est toujours douloureux un exil .....
RépondreSupprimerPasse une belle et douce journée d'été .....
exode difficile....beaucoup de courage pour se sauver de ce pays ..son pays...dure la vie....histoire fort bien écrite...bonne journée
RépondreSupprimerbisesssssssss
claude
je suis en haleine, j'attends le dénouement avec impatience, malgré ce triste événement tu as su nous captiver
RépondreSupprimerune exode ***très dur
RépondreSupprimerque de souffrance
bonne journée
tu as le mot robe de souligné avec une pub en dessous... sais tu d'où cela proviens ...j'ai le même problème et je n'arrive pas à trouver la raison......bisesssssssss
RépondreSupprimerclaude
Bonjour Elena,
RépondreSupprimerUn récit que j'ai fait lire à ma petite-fille sachant qu'il y a des similitudes avec le départ de Russie des grands-parents de son père, la même façon de cacher les bijoux, le changement de nom, la traversée de l'Allemagne... ma fille m'ayant raconté cette triste aventure il y a déjà bien longtemps. C'est terrible de devoir quitter son pays dans de telles conditions, dur est l'exil pour tout homme.
Très belle fin de journée.
Bisous.
Prima
une belle histoire;
RépondreSupprimerbonne soirée,, Elena;
Combien de Russes ont été obligé de migrer et de refaire leur vie dans un pays qu'ils ne connaissaient pas!
RépondreSupprimerBonne soirée chère Eléna gros bisous
une situation très dure pour cette famille
RépondreSupprimerils ont des enfants obéissants
et des amis sur lesquelles compter
bonne fin de journée
bisous créoles