jeudi 11 juillet 2013

ADIEU RUSSIE (exil de mes grands-parents paternel)


        Pacha vint réveiller sa maîtresse, un homme attendant dans le salon. Eugénie regarda la pendule, il était une heure du matin ! Michel n’était plus dans le lit, inquiète,  elle descendit au salon. Elle le vit discuter avec son  bras droit, elle dit bonjour, son mari  lui fit signe de s’asseoir.
-         Vladimir Ivanovitch a eu vent que demain je serai arrêté sous de faux prétextes, il faut partir cette nuit.
-         Mais tu es gouverneur, on ne peut pas t’arrêter !
-         Ne perdons pas de temps, va préparer les garçons répondit Michel.
Eugénie courut réveiller la nounou des garçons, Michel la suivit, ils demandèrent des vêtements à leurs domestiques, Pacha cousit les bijoux et l’argent dans l’ourlet des robes et le costume de son maître, elle dit affolée :
-         Vous ne pouvez pas partir ainsi Barinya, on vous reconnaîtra !
-         Que conseilles-tu demanda Michel ?
-         Barine, il faut vous frotter les mains avec de la terre, cacher les cheveux sous un bonnet de paysan et parler comme eux, un foulard pour la barinya.
Michel se gratta la tête, « cela n’était pas si simple » Il regarda ses fils : Georges et Wladimir, ils avaient sept ans et demi et neuf ans, il leur expliqua qu’ils devaient rester sales et se taire à l’extérieur :
-         Des méchants nous recherchent et nous ne devons plus donner notre nom de famille mais nous appeler Voltinsky, c’est important, mes fils je compte sur vous !
Les enfants regardaient les parents un peu effarés, ils avaient été préservés de tous souci jusqu’ici, l’aîné décida de le prendre comme un jeu, il dit en souriant :
-         Je suis Georges Votinsky et mon père est vendeur !
-         Non, reprit Michel, artisan !
Ils finirent par être prêts, Eugénie regarda le domaine qui s’étendait à perte de vue, elle se demandait combien de temps elle devrait le quitter, Michel lui serra le bras gentiment, ses idées avaient rejoint les siennes.
Elle se souvint brusquement d’Alexis, comment pourra-t-il les retrouver ? Elle ne savait même pas où il se trouvait exactement ! Lyola, comme elle l’appelait, était son fils aîné, il avait vingt deux ans. Son père mourut quand il avait cinq ans, depuis, il vivait avec sa mère. Vint le beau-père et les petits frères, ce fut assez dur de l’accepter, il en souffrit mais elle ne pouvait pas l’aider. Aujourd’hui, il était lieutenant du tsar et donnait rarement de ses nouvelles à cause de la guerre et la révolution. Michel devina ses pensées, il lui dit :
-         Ne t’inquiète pas, il nous retrouvera, il n’y a pas énormément de gens s’appelant V… W… en Europe ! Elle sourit et se sentit rassurée.
La famille partit dans une charrette tirée par deux chevaux, Vania, le cocher les emmena jusqu’à la sortie du domaine.  Ils prirent leurs balluchons et marchèrent durant trois heures, les enfants n’en pouvaient plus. Michel leur fit remarquer qu’ils pouvaient rester sur la route et les bolcheviks les prendraient. Cette menace les fit avancer, le mot « bolchevik » était pire qu’un sorcier et ils avaient peur d’eux.
Eugénie lui dit en allemand :
-         Tu es dur avec les garçons ;
-         Je n’ai pas le choix, je ne peux pas les porter en plus des balluchons.
Il avait raison, elle soupira et se tut. Vers cinq heures du matin, ils s’arrêtèrent dans une clairière et mangèrent un peu. Michel expliqua :
-         Nous allons prendre le train, les enfants si on vous questionne donnez votre faux nom et surtout parlez le moins possible ou comme les enfants des domestiques.
-         Oui, papa firent-ils en cœur !
Michel avait un plan, il voulait rejoindre leur cousin en Pologne, pour l’instant elle n’était pas touchée mais il devait y aller indirectement.
Dans le train Eugénie ressemblait aux femmes des moujiks avec son foulard et la terre sur la figure et les mains, elle évitait de parler de peur de se couper, ne sachant pas imiter ses servantes. Michel avait le don d’observation, il savait imiter son cocher et ne craignait pas de se faire avoir. Qui aurait cru que le descendant direct de Pouchkine, voyageait habillé comme un moujik ?
A mi-chemin ils descendirent et marchèrent de nuit, le jour ils dormaient dans des auberges crasseuses, ainsi ils passaient incognito.
Enfin, Michel annonça que le lendemain ils prendraient le train qui mène en Pologne et s’arrêteraient chez leurs cousins Boussia à Byalistok.
-         Que diras-tu à la douane demande Eugénie inquiète ?
-         Je dirai que je viens travailler chez eux comme cocher !
Ils avaient le cœur battant en franchissant la douane, mais voyant leur mine le douanier crut à l’histoire du cocher et les laissa passer.
Aucune calèche ne voulut les prendre, tellement ils étaient sales, mais ils arrivèrent à destination après deux heures de marche.
La domestique faillit leur refermer la porte au nez, Michel dut insister pour qu’elle aille annoncer les V…
En les voyant Macha fronça les sourcils :
-         Je vous verrai après votre bain, ce ne sera pas du luxe et elle appela sa servante.
-         Sonia va préparer les bains pour tout ce petit monde.
Après leur bain, la famille se retrouva avec Pierre et Macha devant un bon repas, cela faisait plus d’un mois qu’ils n’avaient pas mangé à leur faim.
Pierre leur proposa l’hospitalité le temps nécessaire. La famille sourit, ils avaient vraiment besoin de repos, cette hospitalité n’était pas du luxe !
La famille Boussia avait un fils de dix ans, il s’appelait Vitia et s’entendait très bien avec les deux garçons. Ils se voyaient souvent l’été en Crimée, ils venaient dans leur domaine passer un mois environ, aujourd’hui c’était le contraire.
Au bout de trois semaines, Pierre arriva essoufflé et prenant Michel à part lui dit :
-         Il faut que vous partiez demain, il y a eu des indiscrétions et vous n’êtes plus tranquilles chez nous.
-         Merci pour tout, je vais me préparer répondit Michel soucieux.
-         Où irez-vous ?
-         En Allemagne, c’est le seul pays où l’on parle bien leur langue sans se faire remarquer !
Michel prévint sa femme et les enfants, ils préparèrent à nouveau leurs affaires. Cette fois-ci ils pouvaient porter des vêtements propres, ils diraient qu’ils étaient représentants de machines agricoles pour le compte de Boussia. Macha leur donna des provisions et ils se quittèrent tristement, Eugénie lui dit en partant :
-         Si Alexis passe n’oublie pas de lui dire que nous sommes en Allemagne !
-         Ne t’inquiète pas répondit sa cousine la larme à l’œil.
Il était temps de reprendre le chemin, heureusement qu’ils pouvaient prendre le train sans trop de risques, fini les longues marches.
Michel écourta les adieux, ils partirent vers la gare, le cocher les y conduisit. Ils devaient changer une fois puis aller directement à Berlin, il y avait un risque mais Michel estimait qu’il fallait essayer de le prendre.
Dans le train, ils parlèrent peu pour ne pas se faire remarquer, les enfants dormirent un peu, la tête appuyée sur leur mère. Les garçons parlaient mal l’allemand mais mieux que le français. On annonça la station de Berlin, en tant qu’étrangers on leur demanda leurs papiers et la raison de leur venue, Michel dit qu’il était représentant.
Ils purent entrer sans problèmes !

(suite)

15 commentaires:

  1. temps difficiles...passionnante cette histoire, merci de nous la relater chere Ln, nous attendons la suite ...bonne journee et de grosses bises

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  2. Tu aurais pu écrire un livre...attendons demain pour la suite..
    Bisous et belle journée Elena !
    fontaine

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  3. l'exil
    est la mm horrible chose pour un noble
    et un moujik, l'exil est partout la perte du royaume
    et le pire de ces départs c'est
    qd on quitte définitivement sans espoir,
    son pays, sa langue
    je hais l'exil !!!!

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  4. j avais adoré le docteur jivago belle ambiance de film! bne journee bizous

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  5. bonjour elena ... une histoire mouvementée et pleine d'émotions ..; comme çà doit être dur de fuir son pays en abandonnant tout derrière soi, sa famille, son passé ... J'espère que le fils ainé a retrouvé la famille ??
    gros bisous et bonne journée

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  6. Un exil mouvementé et douloureux !

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  7. c'est toujours douloureux un exil .....
    Passe une belle et douce journée d'été .....

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  8. exode difficile....beaucoup de courage pour se sauver de ce pays ..son pays...dure la vie....histoire fort bien écrite...bonne journée
    bisesssssssss
    claude

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  9. je suis en haleine, j'attends le dénouement avec impatience, malgré ce triste événement tu as su nous captiver

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  10. une exode ***très dur
    que de souffrance
    bonne journée

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  11. tu as le mot robe de souligné avec une pub en dessous... sais tu d'où cela proviens ...j'ai le même problème et je n'arrive pas à trouver la raison......bisesssssssss
    claude

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  12. Bonjour Elena,
    Un récit que j'ai fait lire à ma petite-fille sachant qu'il y a des similitudes avec le départ de Russie des grands-parents de son père, la même façon de cacher les bijoux, le changement de nom, la traversée de l'Allemagne... ma fille m'ayant raconté cette triste aventure il y a déjà bien longtemps. C'est terrible de devoir quitter son pays dans de telles conditions, dur est l'exil pour tout homme.
    Très belle fin de journée.
    Bisous.
    Prima

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  13. une belle histoire;
    bonne soirée,, Elena;

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  14. Combien de Russes ont été obligé de migrer et de refaire leur vie dans un pays qu'ils ne connaissaient pas!
    Bonne soirée chère Eléna gros bisous

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  15. une situation très dure pour cette famille
    ils ont des enfants obéissants
    et des amis sur lesquelles compter
    bonne fin de journée
    bisous créoles

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