vendredi 24 novembre 2023

 

LE BATEAU

Il prit son balluchon, l’a mit sur son épaule, des yeux il fit le tour de la pièce, enfin sortit en soupirant. Il salua le cafetier qui ouvrait, continuant son chemin le regard crispé, il tourna à droite et se précipita vers le car qui arrivait, il monta et s’assit en respirant fort.

Il compte instinctivement les stations, il descendait à la cinquième, il se retrouva devant le chantier. Il dit « Bonjour » à plusieurs personnes qu’il connaissait mais refusait de s’arrêter, son visage des mauvais jours mettait une barrière entre lui et les autres.

Il descendit dans la cale, personne ne s’étonna, il travaillait sur ce bateau depuis des années, il se cala de son mieux et attendit le départ, il savait que personne ne penserait à le chercher, ils penseraient qu’il était reparti sans se faire remarquer.

Il attendit près d’une heure avant que le bateau parte, il sourit tout seul, il savait que maintenant il allait en Grèce, jamais sa femme n’irait le chercher là-bas, il avait changé de nom, de papiers et n’avait plus l’intention de subir ses jérémiades, ses pleurs, ses hystéries, il ne la supportait plus, il ne voulait plus d’elle. Il avait essayé de divorcer, étant croyante, elle avait refusé, il avait cherché depuis un an la façon de se séparer en bon terme, elle refusait tout, il lui avait proposé de lui laisser la maison, une part d’argent mais rien ne lui convenait. A bout il décida de faire ce voyage, personne n’était au courant, les enfants étaient grands mais il ne leur avait rien dit, il voulait sa liberté, il en crevait, enfin l’idée de partir sans rien dire germa en lui, il avait réussi et son visage brillait de joie.

Le bateau allait accoster, il sortit de sa cachette, alla sur le pont, le balluchon sur son épaule, personne ne le remarqua, il prit la queue avec les autres pour descendre, il prit la passerelle pour descendre, un regard le força à regarder en face de lui, il vit sa femme qui l’attendait, il faillit tomber, elle était accompagnée d’un policier. Il serra les lèvres prit un air froid et s’approcha d’eux, le policier lui demanda son nom, sans rien dire, il tendit ses faux papiers, le policier le remercia et le laissa partir. Sa femme commença à l’appeler, il se fit sourd, continuant son chemin se bouchant les oreilles mentalement.

Enfin il sortit, il soupira, personne ne le suivait, maintenant elle ne pourrait rien contre lui, il irait sur l’île d’Ios, si elle avait le malheur de venir, il la noierait, elle ne savait pas nager ; l’idée lui plaisait, il put continuer son chemin la tête haute sa liberté il l’avait conquis, il avait donné 20 ans de sa vie à une mégère, il voulait vivre pour lui maintenant, rien ne pourra l’en empêcher.
 

 

L’homme continua son chemin vers l’île d’Ios, il se demanda comment sa femme avait pu le retrouver, il rit brusquement « Mais c’est évident, elle fouille mes affaires et mon billet était bien étalé » Le rire se changea en colère, il se retourna pour voir s’il était seul, il ne vit rien de suspect et continua son chemin. Il arriva chez la logeuse à qui il avait demandé de lui louer une chambre pour deux mois, ensuite il verrait où il irait ; d’origine grecque il connaissait la langue et pensait demander l’hospitalité voire la nationalité.

C’est en se retournant qu’il la vit venir à lui, elle était seule, il descendit vers elle calmement :

-        Tu es venue pour me faire une scène ou pour me ramener de force ?

-        Ni l’un, ni l’autre, j’aimerai que tu penses aux enfants, les jumeaux n’ont que 18 ans et ont besoin de toi.

Il ne dit rien la regardant durement, elle se servait toujours des enfants pour obtenir ce qu’elle voulait. Il lui prit le bras calmement, et l’emmena se promener au bord de la mer.

Elle fut étonnée puis pensa qu’elle l’avait touchée en parlant des jumeaux, il faisait beau, trop chaud pour voir beaucoup de monde à cette heure. Il savait qu’elle ne savait pas nager, doucement il l’attira vers lui, l’embrassa avec un effort presque surhumain, elle se laissa faire surprise et heureuse. Lentement il s’approchait de la mer, il joua avec elle au bord de l’eau tout en l’entraînant, elle ne vit rien. Elle se rappela ses premières vacances avec lui, les jeux dans l’eau, elle savait qu’il la rattrapait toujours dès qu’elle perdait pied. Brusquement elle se sentit couler, elle l’appela de toutes ses forces, il sortit sans même se retourner ; il jeta un coup d’œil, ne vit personne et se pressa de rentrer chez la logeuse, à cette heure elle devait faire sa sieste et ne saurait pas qu’il était sorti.

Personne n’aurait l’idée de la chercher ici, il écrirait aux enfants quand il aura trouvé du travail et un logement dans une grande ville.

Il n’avait aucun remord, juste un soulagement d’être sûr d’avoir enfin trouvé la paix.

Elena



 

6 commentaires:

  1. Toujours autant de plaisir à lire tes textes. Bises . Celine

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  2. bravo pour ce texte chere Ln , il en avait vraiment plein les bottes ton héros ! amities et bises

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  3. Pas si rusée finalement sa femme, certes elle l'avait trouvé mais croyait avoir gagné !!
    belle imagination
    bisous

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